La Chronique Mécanique de "World War Z" et de l'avant-première mondiale du film à Londres

Dès les premières minutes de "World War Z", le mot d'ordre est clair : pas de round d'observation comme le feraient deux boxeurs pour se jauger au début d'un combat. Là il faut envoyer du lourd, du très lourd même, et de suite. Les directives du coach sont limpides : en mettre plein la tête au spectateur pour qu'il se retrouve vite au tapis. Après une brève introduction chargée de nous présenter Gerry Lane (le personnage tenu par Brad Pitt) évoluant dans un environnement tout ce qu'il y a de plus épanoui où, même bloqué dans les embouteillages il joue gaiement avec sa si gentille petite famille au lieu de maudire tous les autres usagers de la route, l'action est au rendez-vous d'entrée. Les zombies se ruent sans pitié sur les pauvres automobilistes de Philadelphie, les cascades explosives et les accidents destructeurs se succèdent en à peine quelques petites minutes. Ça vient de tous les côtés et on en prend plein les yeux, un vrai train-fantôme digne des plus grands parcs d'attractions. Mais à avoir voulu frapper trop fort trop vite, la machine à cogner s’essouffle et se met KO toute seule. La suite des aventures de ce très courageux Gerry, membre de l'ONU et par conséquent chargé de trouver une solution à cette pandémie mondiale transformant les humains en morts-vivants aux quatre coins de la planète, est des plus plates. Juste un prétexte à un déluge d'effets visuels en tout genre destinés à être époustouflants, et c'est tout. Circulez, y'a rien (ou presque) à voir !

A croire qu'à Hollywood on pense un long-métrage uniquement en terme d'images, alors que le cinéma c'est bien plus que ça. Ce qui frappe (décidément, les coups sont de rigueur ici), c'est l'absence totale de relief et de psychologie dans le scénario. En plus d'être inutilement trop long pour un film d'action (World War Z dure presque 2 heures) et donc de progressivement s'enliser tels les zombies dans les sables du désert israélien, absolument aucun des personnages n'a de personnalité, de relief, de soupçon d'âme. C'est simple, ils sont tous d'un vide absolument effarant à en rendre jaloux Nabila. On ne s'attache pas à eux, pire on n'en ressent même pas l'envie, on ne comprend aucune de leur motivation. Quand les films de George A. Romero, maitre incontesté et incontestable d'un genre extrêmement saturé, cachaient derrière leurs effets gores une critique du consumérisme (Zombie) ou de la guerre du Vietnam (La nuit des morts-vivants), celui-ci ne propose pas grand-chose. Je ne parlerais pas de la pauvreté des dialogues car se serait perdre du temps pour pas grand chose, ni même des rebondissements capilotractés ou des moments de bravoures ridicules méritant leurs places sur la même étagère que le dernier Indiana Jones et dans lequel Harrison Ford nous offrait une des scènes les plus ridicules de l'Histoire du 7ème art en se cachant dans un réfrigérateur pour échapper à une explosion nucléaire... Là, on a tout de même le droit à un jet de grenade dans un avion en plein vol, tentative effectuée dans l'espoir de sauver sa peau... Mais oui, c'est bien logique tout ça, un peu comme s'attacher un boulet au pied pour gagner un marathon... Et l'ami Brad Pitt semble d'ailleurs avoir emprunté pour l'occasion un costume normalement taillé pour Bruce Willis, c'est-à-dire celui de sauveur du monde capable de survivre à n'importe quelle catastrophe. Heureusement pour nous il l'a enfilé sans le festival de punchlines comiques qui va avec (oui, ce film se prend un peu trop au sérieux sans en avoir les moyens, ce qui est aussi peut-être un de ses gros défauts).
Du côté de la mise en scène, celle-ci, certes maîtrisée, est des plus académiques, et en l'occurrence des plus impersonnelles. Au cœur des (nombreuses) scènes d'actions, Marc Forster utilise énormément une caméra à l'épaule toujours en mouvement pour mettre le spectateur en immersion totale, avec le renfort tambour-battant d'une bande-son omniprésente pour souligner au feutre gras chaque émotion. Pour le reste, il redouble sans cesse de plans aériens et de vues d'ensemble afin de bien nous montrer les gigantesques (et couteux) décors numériques créés pour le coup. On en frôle presque l'overdose. Comme je le disais un peu plus haut, l'accent a été mis sur les effets visuels, et ce de façon très prononcée. Certains plans sont très beaux, voire vraiment impressionnants, là n'est pas le problème ; mais on est réellement là dans le domaine de la surenchère. Pour preuve, nos amis les zombies sont tellement digitalisés qu'ils paraissent tout droit sortis d'un jeu vidéo. D'autant que pour rester accessible au plus large public, toutes les scènes sombres ou trop violentes, qui auraient pu rendre l'ensemble plus effrayant, ont été mises de côté.

Encore une fois, et ça devient une vraie banalité de dire cela, un blockbuster hollywoodien se retrouve aussi décoiffant sur la forme qu'il est pathétique sur le fond (l'histoire de l'antidote en est le témoin le plus probant, les donnés psychologiques du virus ayant été abandonnées pour le profil bactériologique de celui-ci ; tout comme les références historico-culturelles sous-exploitées d'un Jérusalem berceau de l'Humanité). On se consolera comme on pourra avec un Brad Pitt comme toujours impeccable (même si loin de sa meilleure forme) pour ce qui n’est qu'un divertissement de bonne facture sans réelles émotions ni vraies surprises. Vous l'aurez remarqué par vous-même, ça ne pèse pas bien lourd dans la balance de ce film d'horreur qui n'en est pas vraiment un. C'est toutefois assez intense, sur ce point Brad Pitt ne nous avait pas menti en début de projection, mais ça manque cruellement de mordant, et le tout est bien loin de pouvoir rivaliser avec une des très bonne série TV sur le même thème diffusée actuellement, j'ai nommé The Walking Dead. Au fond, cette World War n'est rien de plus qu'une bonne petite série Z.

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JeanVacances
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le 6 juin 2013

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