Tant de choses auraient pu être dites sur cet ultime X-Men de la tétralogie simili-préquelle de la trilogie originelle. Tant de choses l'ont été.


Dark Phoenix serait un Affrontement final bis
VRAI: Le retour de la métamorphose de Jean Grey, la mort de certains personnages, les mutants impuissants sans pouvoir, la fin de narration
FAUX: En guise de fin, un titre qui suggère plus un retcon qu'une fin et un film spectaculaire mais sans cette idée de combat final, que 'on retrouve davantage dans Apocalypse qui eût pu clore plus avantageusement une trilogie préquelle. Faux aussi car Dark Phoenix n'est pas une resucée de L'Affrontement final comme Le Réveil de la Force est un copié-collé d'Un Nouvel espoir.
Il y a des similitudes par endroits, cela s'arrête là. Dark Phoenix n'offre pas, par exemple, un énorme rassemblement de mutants dans un lieu très spécial type Alcatraz. Loin de là ! Un groupe réduit de mutants affronte la double grande nouvelle menace du jour, sans qu'on n'ait réellement le temps de connaître les nouveaux venus, sortis des rangs de Magneto.
Un Magneto qui ne revient qu'au bout d'une heure de film pour jouer les mutants repentis qu'il faut mettre en rage vengeresse pour lui redonner un brin l'air d'un mal nécessaire. Un Magneto qui semble totalement avoir oublié l'existence de Quicksilver ... son fils ! Comme un Dark Vador qui aurait fait le choix d'ignorer l'existence de Luke Skywalker la révélation de L'Empire contre-attaque passée...
Un Quicksilver qui, à rebours des deux précédents volets, n'aura pas son instant Quicksilver tout en fantaisie, originalité et drôlerie: il se contentera d'être un des nombreux prétexte à montrer le pouvoir omnipotent de Phoenix.


Dark Phoenix serait un heurt gênant entre le monde des mutants et celui des extra-terrestres.
FAUX: Comme Moonraker avant lui, Dark Phoenix subit l'effet Nanarland: les adeptes du site ont tant et si bien mis dans la tête du spectatorat que le volet d'une saga peu ou pas en rapport avec l'espace et/ou les extra-terrestres créant une rencontre du 3e type est un nanar que d'aucuns se réclament de cet axiome pour crier à l'iconoclasme. Le plus drôle est de rappeler dans ce cas aux détracteurs de chacun de ces deux films qu'ils ne sont qu'une des suites d'une saga initiée par une référence à la crise des missiles de Cuba, par les années 60 et le début de la conquête spatiale. Ce qui rend l'axiome de Nanarland nul et non avenu.
VRAI: La gêne vient surtout de ce que l'arrivée des extra-terrestres apparaît comme purement gratuite, le fruit d'un hasard bien arrangeant.
Peu envahissants, les envahisseurs venus d'ailleurs répondent aux clichés du genre: êtres verdâtres et roswelliens, ils se cachent parmi les hommes à la façon des antagonistes de David Vincent. Mais on aurait sans doute aimer une race extra-terrestre plus originale, plus propre à l'univers des X-Men. Seuls les vrais spécialistes de cet univers de fiction sauraient évaluer la pertinence ou, pour mieux dire, la correspondance de cette représentation esthétique de l'alien dans le monde des mutants de X-Men.


Dark Phoenix serait la fin de ce qui est devenu une tétralogie simili-préquelle de la trilogie mère des X-Men.
VRAI: On ne saurait contredire ce fait. Dark Phoenix se veut la fin de son propos. Ce qui le rend moins intéressant que L'Affrontement final qui, tout en proposant non pas la fin mais une fin, ouvrait un potentiel de suite, renouvelé et renouvelable, livré à l'imagination du spectateur.
FAUX: Si ce n'est la mort et le changement de statut irréversible de certains personnages, rien n'invite vraiment à voir ce film comme une fin. Traité comme n'importe quel autre volet lambda de saga, il porte moins l'ambiance d'une fin d'histoire que ne le faisait, par exemple, son prédécesseur. Pas de fracas, juste le murmure d'une hécatombe en majeure partie symbolique:


le casque de Magneto hérité de son pire ennemi qui vole en éclat comme un fin d'influence qui faisait d'Erik Magnéto, le vol céleste d'une Jean devenue force cosmique, la dégradation de l'image de Xavier, jusqu'à la mort réelle de Raven qui symbolise en elle-même la fin des illusions.


Faux aussi pour ce qui est du statut de simili-préquelle, volontairement suggestif dans les trois derniers volets, qui s'efface devant cette affirmation d'une fin qui exclut le possible retour aux événements de la trilogie mère et confirme l'appartenance des événements de cette tétralogie à une réalité parallèle à celle des premiers films.




Tout semble dit.
Alors qu'écrire ?
Que si, visuellement, le film est une belle réussite, le fond, lui, est clairement moins bon que celui de L'Affrontement final auquel on ne manquera jamais de le comparer. Et cela pour trois raisons.


Pour commencer, la figure de Phoenix et l'enjeu des deux films.
Dark Phoenix use d'une menace extra-terrestre versatile qui se mue gratuité au fil des besoins scénaristiques d'une quête d'un grand pouvoir cosmique en désir d'invasion de la Terre. Tout le reste n'est que métaphore de la crise d'adolescence, bien trop axée sur l'individu éponyme qu'est Jean. Sans la moindre préparation, le film transforme Grey en Phoenix de la manière la plus éculée - celle des Quatre Fantastiques, pour ne citer que les plus célèbres - afin de servir son propos sous-jacent.
L'Affrontement final avait été préparé en amont. Jean Grey mourait, se sacrifiant, en fin de second volet. Elle revenait à la vie, tel un véritable phénix, d'où son nom, pour s'avérer une menace. Jean ne sera plus jamais la même car elle revient d'entre les morts. Cette métamorphose ne sert pas un propos sous-jacent, certes, mais n'empiète pas non plus sur la menace du film. Une menace plus propre à l'univers des X-Men et cependant plus originale: la question éthique d'une "guérison" de la différence par un sérum. Un véritable débat de science vulgarisé.


Ensuite, la mort de Charles Xavier.
Car les deux films mettent en scène la mort du Pr X. Il ne s'agit pas de la même mort.
Dans L'Affrontement final, Jean Grey atomisait le pauvre Professeur qui cherchait à la ramener à la raison. Amis comme ennemis portaient son deuil, Magneto le considérant comme l'un des leurs qui avait fait une erreur. Xavier, dont on connaissait les aspérités morales depuis le premier volet, nous montrait en plus de sa grande sagesse un visage plus sombre, révélant son plan de "résurrection" en transférant son esprit dans le corps vide d'un homme dans le comas.
Dans Dark Phoenix, Xavier survit biologiquement et spirituellement. Mais son image est à jamais détruite. Jugé comme un dictateur paternaliste auquel revient toutes les erreurs de l'histoire, le pauvre Professeur s'auto-exclut de son école, laquelle est renommée L'Institut des Jean Grey's Men. Sans doute le respect de l'une des dernières volontés de Mystique, qui, l'espace d'une réplique, vote pour Metoo et suggère que l'on ne parle plus de X-Men mais de X-Women. Et Xavier et Erik de repartir dans une partie d'échec.
La destruction de Xavier peut paraître faite avec brio lorsqu'elle permet à James McAvoy de faire montre de son talent d'acteur, au rythme de son incroyable jeu de jambes d'un paraplégique montant des escaliers comme une marionnette, mais elle n'en demeure pas moins une sordide et complète destruction.
Charles Xavier, bien qu'en vie à la fin de Dark Phoenix, y meurt bien plus sûrement que dans L'Affrontement final.


Détruisant le statut à part de la saga qu'il achève avec nonchalance, tuant soit trop soit pas assez de personnages et dégradant le populaire personnage du Pr Xavier, Dark Phoenix est une réussite formaliste qui échoue à plaire par sa narration.
Dommage ...
Le mythe du Phénix invoqué par le titre n'en est que moins heureux.

Frenhofer
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le 1 sept. 2019

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