Polar 70 cliché, mais beau sujet
Mitchum arpentant les rues de Tokyo en col roulé sur une musique jazzy nostalgique... Ridicule ? Pas forcément.
Harry Kilmer, un vétéran qui avait servi dans le Pacifique et avait laissé une amante japonaise à Tokyo, revient pour rendre service à Tanner, qui est dans l'import-export et souffre des menaces d'un oyabun, Tono, dont il a malencontreusement égaré la cargaison de flingues. Tono a enlevé la fille de Tanner. Harry revient trainer son imperméable dans les rues de Tokyo, qui a beaucoup changé, retrouve son ancienne compagne, qui tient désormais un bar ; se lie d'amitié avec son frère, qui l'aide à délivrer la jeune fille à coups de sabre et de pistolet (et avec l'aide d'un garde du corps de Tanner, un jeune yankee). Mais le jeu du "giri", ces règles qui codifient les règles d'honneur, vont entraîner massacre sur massacre, petit doigt coupé sur petit doigt coupé, d'autant que Tanner n'est pas un ange...
Je n'ai pas envie de détailler davantage l'intrigue. Ce film fut le premier film américain qui popularisé outre-Atlantique le thème du yakuza, à une époque où la justice américaine découvrait juste que cette mafia particulière s'implantait sérieusement à Hawaï. De la figure du yakuza, Pollack retient surtout les tatouages et les doigts coupés, mais le film, qui a un rythme lent, a le mérite de ménager des dialogues sur l'équilibre des dettes d'honneur sans que cela semble fastidieux, ou trop exotique. Pollack colle à son sujet, et au niveau visuel, il est frappant de voir avec quelle facilité il se réapproprie les codes du film de yakuza : fort belles chorégraphies de sabre, scènes de tripot tout à fait crédibles, beaux décors de demeure japonaise bien utilisés, et jolis extérieurs urbains dans Tokyo. Au fond, Pollack réussit son pari à la même hauteur que Mitchum, qui parle ici japonais sans trop être ridicule. Oui, car une bonne moitié du film est en japonais sous-titré (un autre pari risqué réussi).
Toute la partie "polar" est en revanche assez cliché, du prétendu ami qui se révèle être un manipulateur au retour nostalgique auprès d'une ex, des scènes de carnage qu'on sent venir un km à l'avance. Même son ex dit à Harry qu'il est un peu naïf de n'avoir rien vu venir. Bagnoles qui arrivent plein phare avec un mec qui sort et se met dans le faisceau pour causer, ce genre de scène générique. Ce n'est pas désagréable, hein, c'est juste que c'est du produit au km, comme cette morale assez macho, au fond : la virilité est autodestructrice et les femmes assez passives.
Beau sujet, et même si il y a peu de surprises, ça vaut le détour et on passe un bon moment.