Depuis quelques temps, le cinéma de genre français est en ébullition. Bon ok, ébullition est peut-être un bien grand mot mais le laissé pour compte du cinéma hexagonal bouge bien plus que fut un temps et même s'il n'arrive toujours pas à s'imposer et à être de qualité régulière, il continue de nous étonner avec des petites perles qui passeront quasiment inaperçues ou alors que les gens oublieront assez rapidement (une fois sortis de la salle en fait). Mais comme on dit, il y a des exceptions qui confirment la règle. Cette exception, sera A Bout Portant de Fred Cavayé.

Autant répondre à la question du box-office de suite, oui le film a très bien marché, récoltant un peu plus de 900 000 entrées sur la durée de son exploitation. Mais comme vous le savez, un film qui fait un gros chiffre n'est pas toujours synonyme de qualité et là encore, A Bout Portant mérite totalement l'accueil qui lui a été réservé par les spectateurs français. Pourquoi ? Pour une raison toute simple, le film nous offre un divertissement cinématographique dans son concept le plus simple et tout ça, avec un minimum de fond. A l'heure où l'on pourrait résumer le cinéma français aux comédies dramatiques, très dramatiques et aux comédies grassement beauf', autant dire que ça fait du bien. Et ça fait encore plus de bien de voir que le cinéma français peut-être capable de proposer quelque chose qui ait autant de pêche, qui sache prendre le spectateur par la main mais d'une façon qui est loin d'être péjorative.

Ici et dès les toutes premières secondes du film, le rythme va vous mettre la main dessus pour ne vous lâcher qu'à de très rares instants. On est donc littéralement happé, pris à la gorge par ce qui est en train de se passer à l'écran. On est scotché par la violence de certains chocs et par la course-poursuite qui s'engage sur un pont ou dans un escalier.
L'introduction se termine par une scène percutante qu'on ne voyait pas vraiment venir et cette introduction là, nous offre la possibilité de voir ce que va nous offrir le film sur toute sa longueur. Du suspens, de l'action, de la tension et surtout du rythme.

Mais on a beau avoir une forme qui tue, si le fond ne suit pas on ne va pas faire long feu. Il ne faudra pas vous attendre à quelque chose de véritablement novateur ou d'inédit, l'histoire n'est finalement qu'un prétexte à toute cette débauche de rythme et de sensations. Mais elle a beau être un prétexte, elle n'est en rien inutile ou inintéressante.
Ici, on va suivre Samuel, aide-soignant en passe de devenir infirmier qui va se retrouver au milieu d'une mésaventure qu'il aurait eu bien du mal à imaginer et pour cause. Ce qui semblait être un matin comme les autres va se transformer en véritable cauchemar pour lui et sa femme, Nadia. Celle-ci se fera enlever chez eux. La seule indication que Samuel a lui provient d'un téléphone portable laissé sur place par le ravisseur, qui lui demandera de faire sortir un homme qui se trouve être hospitalisé dans le service où Samuel travaille. A partir de ce moment, tout va s'enchaîner pour le jeune homme et ça ira en s'empirant.

Voilà pour le pitch de départ, simple n'est-ce pas ? Et il n'en sera pas autrement tout au long du film, on va suivre une trame somme toute très simple, Samuel a pour seul objectif de sauver sa femme, peu importe les moyens qu'il emploiera pour ce faire. Comme je le disais, l'enchaînement des évènements ne va pas se faire dans la douceur et si on semblait tout droit se diriger vers une intrigue partant d'un point A et allant tout droit vers le point B, il n'en sera rien au final puisque le récit empruntera d'autres voies pour arriver à son terme. Au final, on est quand même dans une résolution classique mais loin d'être linéaire. Et autant vous dire que Samuel aura fort à faire s'il veut retrouver sa femme vivante puisqu'en plus des ravisseurs, il va réussir à se mettre les flics à dos. Une accumulation d'éléments perturbateurs qui vont permettre au récit de se maintenir sur la longueur mais en n'oubliant pas d'être toujours efficace. Et autant vous dire que l'efficacité est le maître mot de ce film, on ne s'embourbe pas de dialogues, de scènes ou de gestes inutiles, ça va à l'essentiel mais sans pour autant être quelque chose de vide, sans âme.

Enfin tout ça n'est pas valable pour l'épilogue où il semble que tous les éléments qui auraient pu nuire au film, y ont été insérés. Personnellement j'ai fortement apprécié le film mais l'épilogue est venu gâcher un peu le tableau. Faut dire qu'il ne sert strictement à rien si ce n'est à montrer aux spectateurs que tout est bien qui finit bien et que les méchants ont perdu et que les gentils ont gagné. On ne nous le montre pas vraiment mais les regards et les situations en disent long. Pas compris l'intérêt d'une telle scène, d'autant que lorsque la course effrénée de Samuel se termine enfin, le récit me semble être totalement bouclé. On se fout de savoir si ceux qui l'ont mis dans cette situation vont payer ou pas, vu qu'il retrouve sa femme, le récit n'a pas besoin d'aller plus loin puisque le point de départ est justement l'enlèvement de celle-ci. C'est peut-être une façon visuelle de le montrer aux spectateurs, pour mieux faire passer le message ? Selon les dires du réalisateur, il voulait une fin en happy-end. Je suis pas bien convaincu de l'utilité de cette fin mais après tout il fait ce qu'il veut avec son film. Pour ma part, celui-ci s'arrête cinq bonnes minutes avant que le générique ne commence. Je suis sûr que cet épilogue a plu, moi je trouve que c'est balayer en quelques instants ce qui a été fait pendant 1h15 avant cela. Mais ne boudons pas notre plaisir, puisque ce que l'on nous propose pendant le film est tellement généreux que ce n'est pas 5 minutes comme celles-ci qui vont me faire revoir mon jugement mais c'est bon pour une fois.

Ce n'est pas parce que l'intrigue va à l'essentiel, se libère de certains point superflus, qu'il faut en négliger certains autres. Comme les acteurs par exemple, qui, malgré la très courte durée du film, ont tous quelque chose. Chacun d'eux aura une certaine consistance mais sans jamais qu'on évoque plus que ce qu'il n'en faut à leur égard. C'est brut et c'est ce qu'ils feront, diront ou leur façon d'être qui leur donnera vie, qui leur donnera cette matière qui fait que l'on croit à leur présence, à leurs actions.

Ce qui est très intéressant aussi avec le personnage de Samuel c'est que le réalisateur voulait que ce personnage ne soit pas perçu comme un héros ou quelqu'un pouvant se sortir de situations impossibles juste en claquant des doigts. Il voulait un personnage qui soit près des spectateur, un monsieur tout le monde qui souffre. Il ne sera donc pas rare de voir Samuel s'arrêter pour reprendre son souffle, de le voir s'y reprendre à plusieurs fois pour taper quelqu'un avec son arme ou tout simplement d'avoir énormément de mal à se défaire d'un adversaire. Il réagit comme réagirait une bonne partie des personnes qui se retrouveraient dans cette situation.
C'est Gilles Lellouche (Ne le dis à personne, Les petites mouchoirs...) qui l'incarne et dire que Fred Cavayé a eu du flair est un doux euphémisme tant l'acteur semble bâti pour le rôle. Il dégage une véritable énergie, nous offrant une large gamme d'émotions tout en sachant resté charismatique quand il le faudra. Point très important s'il en est au vu du reste du casting et de ce qu'il dégage.

On va tout d'abord commencer par celui qui sera à l'origine de la situation dans laquelle se retrouve Samuel, Hugo Sartet. Sartet est le truand par excellence. Très Classe mais pouvant être aussi très froid, très charismatique, très pro et ne se laissant que très peu dépassé par les évènements, il est un partenaire de choix pour Samuel, celui qui poussera l'aide-soignant dans ses derniers retranchements, celui qui le motivera à aller au bout. Il est le genre de personnages dont on ne devine pas de suite les intentions, on se demande s'il ne va pas lâcher Samuel en cours de route, en bon truand qu'il est. Pour incarner ce personnage aux relents Melvilliens, on retrouve Roschdy Zem (Go Fast, Le Petit Lieutenant...). Pour ma part, la performance que délivre l'acteur m'a bien plus scotché que celle de Lellouche (qui est déjà très bien), comme à son habitude l'acteur semble habité par son rôle. Il ne fallait pas moins qu'un acteur de sa trempe pour faire face à un grand du cinéma français, Gérard Lanvin (Secret Défense, Les Spécialistes...).
Lui il incarnera le commandant Werner, un flic qui n'hésitera pas à user de la force sur quiconque se mettra en travers de sa route. On sent bien dans son regard qu'il ne faut pas le faire chier, c'est un mec qui peut vite partir en sucette et faire parler la puissance d'une arme à feu. Le genre de personnage à qui on ne la fait pas. C'est bien la première fois que l'on voit Gérard Lanvin dans un rôle de ce genre où il fera la gueule tout au long du film et où on ne le sentira pas vraiment très sympathique comparé aux rôles qu'il a pu se choper dernièrement.
Ça fait du bien de voir un acteur être utilisé à bon escient et ce, quoi que l'intéressé en pense. Ceci dit, il avait déjà démontré un certain aspect de cette facette dans la seconde partie de Mesrine de Richet et risque d'être tout aussi surprenant dans le prochain film d'Olivier Marchal, Les Lyonnais.

Pour parfaire ce casting de gueule, on retrouvera également Elena Anaya (Hierro, Alatriste...), Moussa Maaskri, Mireille Perrier, Claire Pérot, Valérie Dashwood ou encore le toujours excellent Nicky Naude.

Avec A Bout Portant, Fred Cavayé prouve qu'en France aussi on sait faire des films d'actions sur fond de polar efficace possédant une véritable identité. C'est avec ce genre de films que l'on a plus à rougir de ce que l'on peut proposer dans notre paysage cinématographique, d'ailleurs ce n'est pas pour rien que les américains ont acheté les droits pour une exploitation en salle. Sorti il y a un peu plus de trois semaines, le film, renommé Point Blank, semble pas mal fonctionné. Une nouvelle preuve que le film de Cavayé est un divertissement efficace et qui ne se pose pas de questions (pour peu qu'on élude l'épilogue) allant droit au but et le faisant très bien. Franchement, qu'est ce qu'on aurait pu lui souhaiter de mieux ?
Antho
8
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le 16 déc. 2011

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Antho

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