A.I Intelligence Artificielle est un film que j'avais déjà vu il y a très longtemps, je devais avoir aux alentours de six ans je pense. Cependant, c'est un film qui m'avait beaucoup marqué de par les thèmes qui y sont abordés et qui déjà ne me laissaient pas indifférent. Les scènes où l'on peut voir des robots démontés, ou même (et de manière, je le crois, encore plus frappante) celles où on les vois emmenés pour être démontés, notamment """avec le robot crée pour pratiquer le plus vieux métier du monde que rencontre notre cher petit héros""" m'avaient amené à être pris de compassion pour ces machines qui cherchaient en vain le sens de leur existence (et se demandant même si elles étaient, bien que le compagnon du personnage principal répondait avec la plus grande certitude que oui, il était, et il est). Déjà, j'étais triste pour ces machines qui me semblaient être destinées à ne plus être après destruction, et à être sans âme. D'autant plus cruel qu'elles avaient malgré tout les facultés nécessaires pour craindre leur mort et étaient touchées par le fait de ne pas être. Je dois à l'intelligence du film de Spielberg toute ces questions que je m'étais posé alors. Et aujourd'hui, je puis dire que c'est loin de représenter la totalité de la richesse de cette oeuvre.
Ce qu'on remarque dés le début avec ce film, c'est la maturité dont il fait preuve. A.I pose dés le début les questions de l'impact qu'auraient sur un robot d'avoir des sentiments et d'aimer, et plus particulièrement les problèmes pouvant être engendrés. Qui dit maturité dans le propos dit maturité dans la mise en scène, une maturité qu'on retrouvera dans Lincoln, sauf que là ça sert d'autant mieux l'oeuvre que ce sont des sujets qui nous touchent, et auxquels on est habitué à réfléchir, et qui nous concernent, nous ont toujours concerné, et nous concerneront toujours. L'oeuvre de Steven Spielberg est intemporelle, et c'est là qu'elle prends toute sa force.
Dés le début, le film pose une thématique très intéressante: l'Homme peut-il prétendre être créateur, de la même manière que Dieu? Pour ma part, je considère que le film apporte une réponse négative à cette question, et avec une grande intelligence. Au tout début, on peut entendre un personnage dire qu'un robot ne pourra qu'aimer son créateur et lui être reconnaissant. On fait bien entendu écho ici à Dieu. Sauf que le film montre à quel point ceci est un fiasco et que l'Homme croit qu'il n'y a aucune limite à ses capacités alors que c'est tout le contraire. La preuve est donc que l'Homme peut en théorie créer, mais il ne créera jamais correctement. Et par là je parle de créer ce qui pourra dire: "je suis". Il ne le créera jamais correctement car celui-ci ne lui sera jamais redevable car l'Homme n'a pas la sagesse qui lui permettrait de le traiter en égal et ainsi d'apporter la réponse aux questions que se pose sa création et que lui-même d'ailleurs se pose. Tout cela sera démontré par une suite de ratés. Raté sur la prise de conscience qu'on est quelqu'un d'unique. Et ce, avec la création d'une multitude de robots devant laquelle le héros va se retrouver et qui sont le même que lui. Comment quelqu'un pourrait être satisfait de son existence, ou même penser qu'il est, s'il n'est pas unique? Raté sur la reconnaissance que la création pourrait avoir envers son créateur. La création n'a aucun problème à aimer son créateur, l'inverse n'est pas vrai. Le créateur, en plus d'être facilement plus cruel que lui, est moins capable de le comprendre, et plus facilement enclin à la bêtise. Le fait que les robots survivront et non pas les Hommes entraine aussi la jalousie de ces-derniers. Bref, si l'Homme échoue à être créateur, c'est de par son incapacité à assurer de telles responsabilités.
On remarque dés le début du film un style visuel extrêmement travaillé, et très réussi je trouve. Le film semble montrer que le summum de la technologie et de la vision futuriste côtoie aussi une espèce de pré-apocalypse avec notamment Manhattan quasi-intégralement noyé. J'aime beaucoup ce mélange. On a beaucoup de décors très froids, dont j'ai beaucoup apprécié le style visuel d'ailleurs, il y a un côté stylistique que j'apprécie beaucoup. Mais ce qui est intéressant avec cette froideur, c'est qu'elle contraste avec les émotions que le film procure en lien avec l'attachement au personnage principal. La maturité qui en ressort crée une véritable différence avec cet enfant (autant l'appeler ainsi) qui vit dans ses rêves, dans ses illusions. Je ne vais pas vous raconter tout le rapport qu'a eu Spielberg avec Kubrick par rapport à ce film, mais quand le premier l'a réalisé, il a tenté d'adopter le style de ce-dernier. Pour ma part j'y vois un très habile mélange, Spielberg savait toute la froideur qui résultait du style du réalisateur de "2001 l'odyssée de l'espace", et il a sû combiner le sien à celui-là pour combiner illusions et maturité. Je pense que sur ce point là c'est très réussi, peut-être même était-ce la meilleur chose à faire.
Parlons de notre héros. Pour ma part, je l'aime beaucoup. Je dois avouer que je ressens beaucoup de sympathie pour ces personnages qui ont un but irréaliste (la fée bleue) et qui vivent retranchés derrière leurs illusions. L'idée même que le meilleur moyen pour qu'un robot puisse aimer est de le faire tel un enfant m'a beaucoup plu. Au final, j'ai eu l'impression que c'était dans cette volonté d'apprendre, de savoir qu'il pouvait arriver à ce stade-là. Au final, on a devant nous un petit bonhomme qui grandit à travers cette famille, et qui dans son évolution, arrive à avoir les émotions de cette même famille. Et que dire du jeu d'acteur? Celui qu'on a vu dans "Sixième Sens" était définitivement le meilleur choix possible. C'est dingue comme il peut surprendre avec son jeu, d'autant plus que comme c'est un enfant, une telle interprétation marque.
Dans un jeu-vidéo qui fait figure de mon jeu préféré (avec les deux autres qui le complète), j'ai nommé "Spellforce", à un moment un personnage nous donne une quête, trouver une larme d'un être sans âme. Il complète cela en disant que c'est d'autant plus rare qu'on ne peut pleurer quand on n'a pas d'âme. Je dois dire que j'y ai repensé en revoyant "A.I", aux moments où le garçon pleure. On peut le voir pleurer quand par exemple il se retrouve face à tous ses robots qui sont tels que lui, contredisant ainsi son unicité, et par là son intérêt d'être et plus loin que ça, sa possibilité d'être. Au final, est-ce que seule une prise de conscience qu'il n'y a aucune raison à son existence pourrait amener un être sans âme à lâcher une larme? A se demander cependant si au final, le fait de s'interroger là-dessus serait la preuve qu'on a bien une âme. Et à se demander donc, si ce garçon en a acquis une au fil du temps, et devenant ainsi, un vrai petit garçon, comme il l'espérait?
Au final, seuls les robots ont pu en effet perdurer, et les humains ont disparus, c'est ce que nous montre le film. La création a perduré, les prétendus créateurs eux sont derrière. Tragique ironie. A la toute fin, ce que je trouve très intéressant, c'est la résurrection de la mère orchestrée par les aliens. On a conscience que Spielberg veut dire quelque-chose qui soit au-delà de ça. Ainsi est-il montré qu'elle ne peut revivre qu'un jour, et après plus rien. On peut interpréter ça de bien des façons. Spielberg montrerait-il qu'ainsi, alors que les robots peuvent vivre à jamais, les humains après la mort ne peuvent revivre que de cette manière là et plus rien? Ou est-ce qu'on y verrait la possibilité d'arracher un être humain du monde des morts seulement une journée et la laisser y revenir après, à travers les doux songes immortels?
A.I est un film incroyablement surprenant. Je ne pensais pas en écrire une critique, mais au final j'avais tellement de choses à dire qu'il fallait que je le fasse. Peut-être d'ailleurs que je suis à côté de la plaque et que mon analyse est risible mais en tout cas, je vois en ce A.I bien plus que ce qu'on peut en entendre, et on est en face d'une vraie perle de la Science-Fiction. J'ai même hésité à mettre la note maximale, et d'ailleurs je ne considère pas encore celle que j'ai mis comme définitive. Mais en tout cas un grand bravo à monsieur Spielberg!