Initialement projet de longue date de Stanley Kubrick mais qui n'a jamais pu aboutir, "A.I. Artificial Intelligence" sort finalement sous la direction de Steven Spielberg en 2001, soit deux ans après le décès de Kubrick. Le film est une libre adaptation d'une nouvelle de Brian Aldiss, intitulé "Supertoys Last All Summer Long".


Dans un monde futuriste ravagé par le réchauffement de la planète, les êtres humains vivent en parfaite harmonie avec les méchas, des robots androïdes spécialement créés pour répondre à leurs besoins : tâches ménagères, services et… amour ! Une famille, dont le fils est dans le coma, décide d'aller plus loin et d'adopter un enfant robot, David, programmé pour vouer un amour sans limites envers ses parents adoptifs. Entre temps, la science ramène à la vie leur enfant biologique, Martin.


Dans les années 70, Stanley Kubrick acquiert les droits de "Supertoys Last All Summer Long" de Brian Aldiss, nouvelle qui narre les difficultés d'un enfant-robot à se faire aimer par sa mère humaine. Pendant la mise en chantier du film, Kubrick décide de faire construire un enfant-robot. Ce dernier s'avérera très décevant (peu mobile et peu fluide) et Kubrick mettra son projet entre parenthèses. Dans les années 90, le projet semble renaitre et étant trop occupé à travailler sur "Eyes Wide Shut", il proposera à son ami Steven Spielberg de se charger de la réalisation. Ce dernier refusera dans un premier temps, considérant que ce projet correspondrait bien mieux à Kubrick. C'est donc en 1999, suite au décès du réalisateur, que Christiane Kubrick, sa compagne, reproposera à Spielberg de réaliser "A.I. Artificial Intelligence". Cette fois-ci, il acceptera de mettre en œuvre le projet.


"A.I." est un des rares films de Spielberg que je n'avais pas encore vu à ce jour. Et me dire que j'allais voir un projet de science-fiction initié par Kubrick et réalisé par Spielberg, sur le papier, ça donnait vraiment envie. Et malheureusement, je dois dire que le film a été pour moi une légère déception. Le film est assez bon et possède des qualités indéniables mais il y a certains éléments bien trop importants à mon goût qui viennent gâcher l'ensemble du film.


Il faut dire que les univers de Kubrick et Spielberg sont tellement différents et même si j'adore ces réalisateurs, je dois dire que le mélange entre le sentimentalisme de Spielberg et la froideur de Kubrick ne m'a pas convaincu dans son ensemble. On est constamment coincé entre deux eaux et cela finit par devenir un réel problème. Fait plutôt rare aussi, c'est Spielberg qui s'est chargé du scénario et je pense qu'il aurait mieux fait de confier la tâche à quelqu'un de plus compétent que lui dans ce domaine. En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il est bien plus performant derrière une caméra. Car sa mise en scène est bonne, avec des travellings très travaillés et magnifiques, et des plans toujours très symboliques et aussi similaires à ses autres films de science-fiction ("E.T." par exemple), notamment dans le travail de la lumière. Visuellement le film est une réussite, tout comme les effets spéciaux.


Côté casting, Haley Joel Osment joue bien et on le sent vraiment investi dans la peau de ce personnage robotique découvrant la vie et les expressions qu'adoptent les humains. Jude Law interprète lui aussi bien son personnage de Gigolo Joe. Le problème, c'est que ce personnage, sous Kubrick, devait se rapprocher le plus possible de la nature humaine et devait être plutôt antipathique. Spielberg a décidé d'en faire une version trop édulcoré et lisse et c'est bien dommage car le personnage aurait pu être vachement intéressant. Au final, il se révèle juste être un compagnon de route à David ultra basique.


Là où Kubrick amenait la plupart du temps plusieurs niveaux de lecture dans ses œuvres, Spielberg n'en amène qu'une seule. Le film se veut être une version futuriste du conte de Pinocchio, et le problème pour moi c'est que le rapport avec le conte est omniprésent, bien trop démonstratif et appuyé. Au bout d'un moment ça va, on a compris le message. C'est là que l'écriture de Spielberg se trouve être un peu maladroite et plus de subtilité de sa part aurait été la bienvenue. Les scènes s'enchainent avec trop de facilités scénaristiques, sans véritable transition ce qui rend l'ensemble plutôt confus. Je n'ai pas non plus ressenti beaucoup de danger et de tension (hormis lors de la foire) dans la quête de notre héros. La troisième partie se permet tout les écarts (même si elle est dotée encore une fois de plans magnifiques) et on sent que Spielberg ne pouvait pas s'empêcher de nous offrir une sorte de «happy end». Ce n'était pas vraiment indispensable et cela donne quand même un sentiment d'inachevé à l’œuvre.


Malheureusement, je pense que le propos du film aurait dû être plus centré sur les humains, et sur leur projet de se prendre pour Dieu et d'offrir le pouvoir de ressentir des émotions à une machine qui ne pourra pas être aimé en retour de façon naturelle par les humains. Et se poser aussi des questions sur ce besoin pour les êtres humains d'être aimé aurait pu être intéressant. On délaisse trop l'humain pour se concentrer uniquement sur la quête de David. Je trouve que c'est vraiment dommage car la première partie du film était vraiment intéressante et on commençait à se questionner sur les sujets que je viens d'aborder et sur le rapport homme/machine.


Visuellement réussi et bien réalisé, le film de Steven Spielberg aurait pu être une très bonne expérience cinématographique. Malheureusement, le réalisateur tombe dans un sentimentalisme omniprésent et bien trop appuyé qui enlève beaucoup d'authenticité à l’œuvre que désirait Stanley Kubrick à la base. Il oublie aussi de s'intéresser plus en profondeur aux questions qu'il avait commencé à effleurer dans sa première partie. Dommage.

Paplard
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le 16 févr. 2016

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