J’attendais d'A la merveille qu’il soit Mon Malick : pas forcément le plus beau, pas forcément le meilleur, mais celui qui m’emmènerait plus loin qu’aucun autre ne l’avait fait. Dans un premier temps ça n’a pas été le cas, et c’est bien là l'unique déception qui a jamais pu m'envahir. Et pourtant…C’était sans compter à quel point l’œuvre m’a hantée ensuite, chaque jour jusqu’à ce que deuxième visionnage s’en suive !
Plus j’y repensais, plus je l’aimais ce film. A sa simple pensée, j’étais envahie de cette rare sensation qui vous dit qu’au fond de vous une œuvre vous a plu, quoi qu’on en ait pensé sur le moment (Blue valentine a eu le même effet chez moi, l’indécision * en moins).

Suite d’instants volés qui peut s'avérer tout d'abord déstabilisante, ce fonctionnement prend ensuite tout son sens. Ce n’est pas le liant entre ces instants qui compte, pas plus que le lien entre les rares paroles parsemées tout au long de cette œuvre « muette ». C’est leur tout, leur unité. Comme chaque morceau d’un même puzzle, dont on ne voit le résultat qu’après coup. C’est ainsi que nous passons d’une image à l’autre sans transition, et sans réel répit pour pouvoir réellement s’y poser.


Ne cherchez pas d’histoire à ce qui n’a pas pour but d’en exposer une. A la merveille n’a pas besoin de ça. On nous montre la vie, simplement la vie et des sentiments qui percent les images jusqu’à nous atteindre en plein cœur.

Et le propos (inexistant selon tant de personnes) est en fait au-delà de tout ce qui cadre habituellement un film. Non seulement au-delà d’un scénario classique, mais au-delà de personnages dits principaux, au-delà des dialogues, et même au-delà de sa voix-off !
Les mots…Ils ne comptent pour ainsi dire pas. Les dialogues sont presque inexistants, anecdotiques. Et couvertes de sons, étouffées par la musique, les voix-offs se répandent, se diluent dans l’œuvre et dans notre esprit. Ce n’est plus tant les sonorités de celles-ci qui nous bercent comme elles l’avaient toujours fait précédemment : les paroles se succèdent et se mélangent, leur volume diminue jusqu’à n’être que néant. Seuls certains mots nous parviennent, comme pour mieux nous atteindre.
Le mélange des langues ne paraît pas forcément judicieux au premier abord. Chose étonnante, le français en vient même à nous décevoir. Pourtant, cela illustre parfaitement cette idée que la communication dépasse le simple fait de la langue parlée, et surtout, c’est une façon de plus de montrer à quels points les mots sont dérisoires et impuissants.
Allons plus loin en disant que même les images ne sont que de simples vecteurs de communication pour transmettre l’émotion. Rien n’a réellement d’importance, rien ne prévaut. C’est bien l’ensemble de ces éléments regroupés qui forment ce tout indissociable d’une puissance stupéfiante. Cette merveille est à savourer à l’aide de ses cinq sens, c’est un film à ressentir avec son être tout entier.


La musique ravit, ô combien toujours aussi belle. Des choix plus pertinents les uns que les autres, collant à la peau de la photographie, comme toujours. S’il y a un couple en lequel on peut croire c’est bien celui-là. Quel mariage parfait !


‘I wanna be a wife ‘
Marina est une femme qui se cherche, qui tente désespérément de devenir ce qu’elle tend à être. Elle danse, elle tourne et s’évade comme dans une tentative désespérée pour mieux s’élever. Et c’est dans son amour pour Neil qu’elle pensera trouver son épanouissement et sa « liberté ».
Une touchante figure de femme, Olga Kurylenko colle parfaitement à son personnage : d’une simplicité exquise, d’un naturel divin, elle est simplement merveilleuse.

‘What we had was nothing’
L’œuvre est bien plus pessimiste que toutes ses précédentes. Elle porte sur l’Homme et sa relation à l’autre un constat assez amer. On nous y montre tous les imperceptibles changements qui d’une scène à la suivante paraissent minimes mais qui s’additionnent et s’accumulent au fur et à mesure pour former ces petits rien qui prennent sans raison tant d’ampleur. Toutes ces querelles sont voilées, recouvertes par des musiques qui en contrastant, semblent atténuer la violence des scènes. Cependant il n’en est rien, car elles n’en sont que rendues plus fortes pour un résultat absolument percutant.

‘La vita è un sueño’
Malick l’a déjà fait, il n’avait plus rien à prouver et pourtant il n’a pas fini de nous stupéfier ! Qui mieux que lui sait peindre et dépeindre les sentiments qui nous animent. D’ailleurs, comment penser qu'A la merveille donne dans la redite ? Peut-on seulement tout dire des mouvements de l’âme humaine ? N’y en a-t-il pas mille et une facettes ?
Ce film est interrogations. Sur la vie, sur l’amour. Parler des mêmes sentiments n’équivaut pas pour autant à « dire la même chose ». L’approche n’est pas la même, les réflexions ne sont pas les mêmes. Et chaque émotion est unique en son genre, de la même manière que chaque sentiment a en fait mille et une variations.


Pour finir et comme toujours, la Beauté.
La rapidité d’enchaînement de ces photographies rend dans un sens le tout plus accessible. Car si au premier visionnage j’avais été choquée par la vitesse de transition, au deuxième je n’en appréciais que plus chaque images. Et quand je dis apprécier, le mot est faible ! C’est un vrai électrochoc que je recevais dès qu’un nouveau plan m’envahissait la rétine et me noyait dans mes propres yeux. Des flashs, des flashs, encore des flashs. Et chacun se lie imperceptiblement au suivant dans un enchaînement grandiose.
Qui sinon Malick sait faire parler les éléments. Ceux-ci sont montrés sous un jour qu’on ne connaît pas, ils se mêlent, ils s’expriment. Les combinaisons étonnent et émerveillent, les couleurs choquent d’être si pures. Et les nuages quittent le ciel pour rejoindre la mer.
Et cette lumière…Utilisée à l’outrance jusqu’à ne plus pouvoir, elle irradie chaque paysage et chaque visage de la plus belle des manières. Malick et sa manie d’attendre ce moment entre jour et nuit si joliment nommé « L’Heure Magique ». On devrait y être habitués mais les derniers rayons de soleil qui percent les nuages passent à travers les vitres et viennent se refléter dans l’eau sans jamais cesser de nous interpeller.


Ce qui est magique, c’est que d’un visionnage à l’autre, on ne sera pas amenés à voir les mêmes choses. Et l’explication réside dans le fait que ce film se vit plus qu’il ne se regarde. Or jamais les choses ne se produisent deux fois de manière identique, et il en va de même quand on se retrouve assis dans les salles obscures pour aller voir le dernier Malick.
La première fois, j’aurais pleuré pour le pessimisme de son propos, sa puissance et ses répercussions. La deuxième fois, j’aurais pleuré pour cette beauté de chaque instant, de cette communion complète qui fait de ce film une œuvre totale.
Mais c’est aussi et surtout une œuvre profondément humaine. Ses failles, ses imperfections, ses limites. L’Homme tourne en rond et ne parvient pas à se stabiliser. Il se sent prisonnier de son propre corps. Marina danse sans cesse, comme pour mieux permettre à son âme de s’échapper et de laisser l’enveloppe charnelle qui lui sert de corps derrière elle.

Au-delà de tous les désaccords qu’il provoque, tout chez ce dernier-né est en fait question de lâcher prise : se laisse emporter par la sensibilité qui transperce chaque plan, chaque geste, chaque regard, chaque mouvement. Tout est d’une douceur et d’une délicatesse merveilleuse. Olga danse, les rideaux en font de même.
Il y a quelque chose de véritablement Vrai (c’est un fait suffisamment rare pour être souligné) dans ce film qui n’a dans le monde actuel ni précédent ni équivalent.
A la merveille est à part. Tellement à part.

Histoire de s'y replonger (merci Clairette02) :
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=2Xbf64o1z8w#!

( * L'indécision après premier visionnage, c'était ici : http://www.senscritique.com/liste/Mysterieuse_merveille/191318 )
emmanazoe
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le 24 mars 2013

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emmanazoe

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