A nos amours fait partie de ses films qui, je ne saurais pas expliquer pourquoi, laissent un « souvenir ». Sur le moment, j’ai trouvé le film très bon, mais je l’ai trouvé peut-être moins efficace et moins fort que L’Enfance nue. Mais après coup, beaucoup de scènes et d’images me sont revenues en tête. Et je me suis rappelé que, de mon point de vue en tous cas, le goût d’un film ne s’arrête pas au moment du visionnage.
Celui-ci est fait de ces moments qui restent à l’esprit. Les scènes qui se succèdent ne forment pas d’« intrigue », bien que les personnages évoluent d’un point à l’autre du film. Elles dressent juste des tableaux. Le plus évident, le plus fort est bien sûr la figure de Sandrine Bonnaire, au centre du film, qui rayonne de sa présence et de son charme à l’écran, et porte le tout sur ses épaules. On doute, on est perdu avec elle, en même temps qu’elle nous perd, et ce jeu du chat et de la souris où tour à tour on observe, décontenancé, son libre-arbitre à l’œuvre, puis on est en empathie, donne une vraie richesse au film.
Le jeu des acteurs est naturel et efficace. J’allais dire « toujours », mais une ou deux scènes d’« hystérie » avec la mère et le frère ne sont pas très réussies : ça en fait un peu trop, ou pas assez je ne sais pas, en tous cas ça casse l’illusion. J’ai appris que ce problème était dû à la maladie de l’actrice de la mère (*) n’ayant pu tourner un certain nombre de scènes, ceci explique cela.
Mais d’autres scènes sont marquantes, inoubliables. Ce sont souvent les scènes avec Maurice Pialat, d’ailleurs ! La scène de discussion nocturne entre la fille et le père au début du film est très touchante. Le retour-surprise du père, à la fin, et sa longue élucubration pendant le repas de fiançailles, est marquant aussi. Ce sont des scènes cultes et iconiques, je ne sais pas pourquoi elles le sont mais j’ai envie de les revoir. Enfin si je sais pourquoi elles le sont, le coup de la fossette pour la première, et le brio verbal du père pour la seconde. Ces deux acteurs sont géniaux.
Les plans de Sandrine mélancolique sous la pluie à l’arrêt de bus, avec une musique dramatique, vers la fin du film.
La tristesse de Luc, beau garçon éconduit par la jeune fille, et tentant de se raccrocher à elle.
La discussion finale du père et de la fille dans les transports.
Une errance sentimentale de l’adolescence qui n’en sait pas où elle est, c’est très touchant.
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Bref, A nos amours fait partie de ces films que je goûte plus après le visionnage que pendant, et qui sait marquer l’œil et l’esprit par ses images inoubliables. C’est une très grande qualité, peut-être la plus grande pour un film ! Car il continue de vivre en nous bien au-delà des 1h45 du visionnage. Après seulement deux jours, j’ai déjà envie de le revoir.
La façon aussi dont la caméra s’embusque entre deux cadres de porte, avec un personnage dans un coin de l’image, et l’autre à l’autre coin, en jouant sur les perspectives… Là encore je ne saurais pas tout expliquer, mais c’est très satisfaisant. Il y a quelque chose de fascinant dans ce film, et je ne saurais dire exactement quoi.