Un film dont l'intention est confuse

De son titre original La mesita del comedor, Accident domestique est un film qui laisse un peu sur sa faim. Tout commence par la discorde d’un couple autour d’une table au design discutable, qui plaît au mari, et que la femme refuse d’acheter. Le bébé est au cœur de la dispute, le mari ramenant systématiquement sur la table son prénom qu’il n’a pas eu le loisir de choisir. Il achète donc la table, la monte, puis, pendant que María s’absente faire les courses, le drame.

Hors-champ, alors que Jesús tente d’endormir le bébé, on entend un brisement de verre, celui de la table au verre réputé incassable. Les pleurs du bébé cessent, la caméra se rapproche doucement de la pièce, toujours dans un silence glacial. C’est là que le film laissera sur une sorte de confusion. Le personnage semble sous le choc et décide de placer le bébé, à peine distinguable, dans son lit, et procède au nettoyage de la pièce imbibée de sang.

Il est à noter la présence de la petite fille, Ruth, qui voue un amour malsain à Jesús, le menaçant plusieurs fois d’avouer leur amour interdit à sa femme, et y faisant allusion à chacune de leurs rencontres, laissant l’homme déconcerté et démuni par la situation, semblant ne pas vouloir briser le rêve délirant de la petite fille. Sa présence, semblant illusoire au scénario, se révélera importante dans la suite.

Mais voilà que le film se poursuit sans trop savoir où il va : le personnage tente de cacher par tous les moyens la mort du bébé. On a droit à quelques scènes qui auraient pu provoquer le rire. María se prend d’ailleurs d’un fou rire lorsqu’elle apprend que le verre « incassable » s’est brisé. La table devient l’élément principal du film, quasiment un personnage à part entière tant tout tourne autour d’elle : les rires, les jugements, la longue tirade du vendeur en début de film et finalement l’élément déclencheur du drame familial.

Le réalisateur, Caye Casas, sait pourtant jouer de la caméra par instants, montrant ou cachant avec une petite inventivité les événements du film. Car le bébé, on ne le verra qu’en début de film, vivant, tenant le doigt de sa mère. Dès lors, il faudra attendre le dénouement final, peut-être la seule scène digne d’intérêt pour ne plus savoir quoi faire : être horrifié ou rire de la situation (le réalisateur lui-même le sait-il ?).

Le petite Ruth débarque pour mettre Jesús dans une position délicate qui expliquerait tout ses comportements distants et énervés. Mais elle débarque avec son chien, on comprend rapidement la suite des événements : alors qu’une dispute s’apprête à frapper les personnages, le chien ramène la tête du bébé, apparemment décapitée lors du brisement de la table. Je me prends à éclater de rire, tout seul dans le cinéma, tant tout ce drame et cette montée de tension résulte en cette scène affreusement comique.

Le film se conclue sur une vue d’extérieur de l’appartement, dont s’est apparemment jeté le couple. La table redevient personnage : le frère, sous le choc, ne répète que ces mots : « La table, la table ».

Mis à part ce dénouement, on ne retient donc pas grand-chose du film qui, pendant une heure entière, ne fait que suivre un personnage dont les intentions sont mystérieuses : que cherche-t-il à faire en cachant la mort du bébé, dont la découverte sera inévitable ? Le choc suffit-il à expliquer son raisonnement ? Le réalisateur aurait pu jouer des tentatives infructueuses des personnages de voir le bébé, quitte à en faire une comédie, mais échoue à la tâche. Ou alors c’était son intention, mais elle ne fonctionne pas. Une petite déception donc.