J’adore toujours les reportages/documentaires sur ce genre de milieux. C’est un tel microcosme que ça dégage une ambiance particulière. C’est intimiste, exigeant, raffiné, élégant, délicat, ordonné, contrôlé.
Puis pour le coup je n’avais jamais pensé à la retraite des danseurs. 42 ans me semble évidemment jeune mais quand j’ai entendu l’âge limite j’étais plutôt étonnée qu’ils performent aussi longtemps en fin de compte, je pensais ce monde encore plus intransigeant.
Le passage dans lequel est explicité que cet âge barrière est nécessaire car on reconnaît qu’un tel rythme et une telle intensité pouvaient mettre en danger la santé physique d’un danseur m’a fait penser que le passage à la retraite à un rythme et une intensité bien moindres devaient tout autant l’être pour leur santé psychologique.
De manière générale j’ai trouvé que ce documentaire laissait percevoir la dure réalité de ce milieu sans en entacher sa splendeur.
A plusieurs reprises j’ai été étonnée qu’ils montrent des thèmes critiquables : l’harcèlement scolaire suite à de la jalousie quand on décroche un rôle ; la prise de poids et comment c’est mal perçu (et compréhensible à la fois) ; le fait que Stéphane Bullion sous-entende quand même qu’il est obligé de faire un type d’adieux qu’il n’aurait pas souhaité (j’ai lu entre les lignes un appel à l’aide, je jurerais avoir vu un couteau sous sa gorge) ; le fait qu’une mère ait fait prescrire de l’hormone de croissance à sa fille (Aurélia Bellet) pour qu’elle puisse grandir et avoir sa chance d’entrer dans cette école (je suis sûre que ma carrière de mannequin tenait aussi à une prescription complaisante) ; les sentiments souvent amers ou résignés d’une danseuse qui n’atteindra jamais le statut d’étoile (j’interprète un peu car bien qu’elle se présente comme étant en paix avec ça son visage peinait à me convaincre) ; le rejet à partir donc de 42 ans alors que tu sens que tu pourrais encore donner et surtout que tu en as envie (mais que ton employeur te voit comme une vieille dont il veut que les ongles cessent de s’accrocher à sa jambe), etc.
C’est pas vraiment ce qu’il est beau de montrer et j’admire qu’ils l’aient fait même si c’est + mentionné qu’exploité en profondeur.
D’ailleurs j’ai quand même eu cette envie rétroactive d’embrasser cette vocation, donc c’est que ça a su balancer entre le bon et le mauvais. Voir que des gens qui y ont fait carrière tout en ayant ce genre de personnalités, de doutes, stress et craintes laisse finalement penser que c’est faisable par un humain normalement constitué.
Franchement si j’avais voulu j’aurais pu (………).
Bref, un tableau nuancé appréciable.
Puis après les illustrations de moments dansés... Il faudra que j’aille voir un spectacle là-bas un jour. Je suis pas fan du genre musical, j’aime ricaner de l’extrême délicatesse parfois surfaite ou trouver qu’ils ont pas tant d’âme ni de profondeur dans l’interprétation (complètement gratuit puisque je n’ai jamais réellement regardé) MAIS j’aime l’aspect « colonie de fourmis ». C’est moins l’aspect solo que j’apprécie que voir tout le monde en mouvement synchronisés, gracieux. Et participer en tant que spectateur à ce raffinement dans un beau décor.
Après on a toujours besoin de visages pour incarner les choses, d’où les élus qui ressortent comme Alice Renavand ou Stéphane Bullion.
Pour être très honnête je me suis quand même demandée si on suivait Aurélia Bellet pour enrichir la diversité des types de danseurs existant dans une troupe ou s’ils se sont accommodés d’elle sous cet angle parce que ses adieux se faisaient la même saison que la danseuse étoile Alice Renavand et n’ont donc pas voulu la froisser et créer des animosités en interne. Dans un cas comme dans l’autre ça reste enrichissant.
Le pic du documentaire survient lors des adieux d’Alice Renavand. Sa blessure lors de son dernier spectacle me paraissait tellement improbable que je n’y ai pas cru au début et pendant une fraction de seconde je n’ai plus su si j’étais censée être devant une fiction ou non.
Quelle pression que ce spectacle. Quelle déception que ce ratage. Ravie pour elle que ça n’ait été que partie remise même si ça semble moins évènementiel de fait. Je me suis demandée si c’était du fait de la caméra qu’ils étaient compréhensifs ou s’ils l’auraient été tout naturellement en toute circonstance. J’avais l’image de ce monde comme méprisant vis-à-vis de l’échec, l’erreur, l’accident. Je prends en compte l’apparence qu’ils ont donné mais je les garde à l’œil.