Alejandro Amenabar est un cinéaste que je connais peu. J'avais été impressionné par "Les autres" en 2001 puis avais regardé "Agora" quelques années plus tard pour lequel j'étais sorti du cinéma à la fois intéressé par le personnage et le fond de l'histoire mais aussi, moyennement convaincu par la mise en scène.

Agora, c'est l'histoire d'Hypatie d'Alexandrie, une femme philosophe et mathématicienne au IVème siècle à Alexandrie. Agnostique et non croyante, elle enseigne les théories d'Euclide mais surtout s'interroge (dans le film) entre les modèles du mouvement des planètes établi par Ptolémée (la Terre au centre du monde) qui avait supplanté le modèle hélio-centré d'Aristarque.

Agora, c'est un film qui aborde différentes questions.

La première est le fait de la montée en puissance irrésistible du christianisme qui, maintenant que le pouvoir semble à portée de main, fait feu de tout bois pour ridiculiser les anciennes croyances et pour convaincre (par la force) les hésitants. Surtout, à cette époque, le christianisme se retrouve face à un pouvoir impérial en pleine déliquescence. Et on sait bien que la nature a horreur du vide.

La deuxième, la plus importante dans le film est l'opposition entre le savoir et la foi. Le savoir, comme la culture et la lumière, sont l'apanage d'une minorité qui tient le pouvoir. Alors que la foi repose sur des croyances obscurantistes (la scène où le chrétien marche sur des braises sans être brûlé) et des pratiques qui relèvent du fanatisme où on désigne le coupable et où, sous couvert d'une justification divine, on lance les troupes à l'assaut.

La troisième, pas négligeable concernant Hypatie, est le rôle de la femme dans la société. L'évêque Cyrille d'Alexandrie, complètement fanatique, nous livre un extrait édifiant de la première épître de Paul à Timothée sur le sort normal dévolu aux femmes… Il n'en faut pas tant pour galvaniser les troupes et, enfin, condamner cette Hypatie, qui est d'abord une femme, qui, ensuite, ne croyait en rien et qui, en plus, se montrait capable de réfléchir.

D'un point de vue casting, signalons l'actrice Rachel Weisz, que je ne connais pas, absolument habitée par son rôle d'Hypatie. Elle porte une véritable présence sur scène dans son jeu de femme de savoir, inaccessible et lumineuse. Michael Lonsdale dans le rôle de Theon, son père, mathématicien, philosophe et païen, joue son rôle, comme toujours, avec une certaine rondeur et une certaine fermeté.

Tout ce que je viens de décrire est la partie fort intéressante, en ce qui me concerne, de ce film. Bien sûr, l'aspect historique qui consiste à mettre en évidence le rôle peu reluisant du christianisme dans son travail de prise du pouvoir, est, aujourd'hui, bien facilement transposable à d'autres fanatismes actuels qu'ils soient religieux ou politiques. C'est, il me semble, un autre message à tirer du film.

Ensuite, comme dans tout péplum qui se respecte, il ne faut pas rechercher la vérité historique. Il y a un aspect spectaculaire qui prime. Par exemple, la bibliothèque d'Alexandrie n'a peut-être pas été détruite à ce moment-là. Par exemple aussi, la mort d'Hypatie a été dans la réalité bien plus atroce que celle, plus soft, présentée dans le film. Au point que ces évènements ont été considérés à l'époque comme une tache sur le comportement de la chrétienté.

Il ne faut pas chercher la vérité historique car, ici, il est primordial de s'attacher aux symboles bien plus importants que le véritable déroulé des évènements (dont on n'a pas forcément tous les éléments). Le symbole que porte le personnage d'Hypatie que ce soit en termes de savoir, d'esprit de tolérance ou simplement de femme est bien explicite et bien développé.

Pour finir, l'aspect mis en scène ne m'a pas semblé à la hauteur de l'ambition. Les décors sont trop visiblement en carton et ne font pas très crédibles.

Mais je ne résiste pas, en conclusion, au plaisir de constater de le dénommé Cyrille, évêque d'Alexandrie, fut canonisé et déclaré docteur de l'Église, pour avoir, sans doute, voulu éradiquer paganisme et judaïsme qu'il considérait comme des hérésies.

JeanG55
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le 19 mars 2024

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