Le patriotisme selon Eastwood...

On ne dirait pas comme ça, mais "American sniper" est le 34ème long métrage réalisé par Clint Eastwood. Un véritable monument du Septième Art qui a accumulé les récompenses en tous genres. Comédien depuis 1955, Eastwood a débuté sa carrière de metteur en scène en 1971 avec "Un frisson dans la nuit". Et depuis, il a pondu quelques pépites de cinéma telles que "L'homme des hautes plaines", "Le retour de l'Inspecteur Harry", "Le maître de guerre", "Les pleins pouvoirs", "Mystic river", "Million dollar baby", Le film en deux volets "Mémoires de nos pères" et "Lettres à Iwo Jima", ou encore "Gran Torino" (liste non exhaustive!). On peut dire que ce grand monsieur a de la bouteille, et à en juger par ce dernier film, au titre ô combien évocateur, on dirait bien qu'il a encore de la ressource, malgré ses 84 ans...

American sniper est l'adaptation d'une autobiographie, et nous dépeint l'histoire de Chris Kyle, tireur d'élite des forces spéciales de l'US Navy, connus sous le nom de "Seals" (comprenez "Sea-Air-Land", mer-air-terre), célèbres dans le monde entier par son haut niveau de professionnalisation et la nature de ses interventions à haut risque. En gros, l'histoire de Kyle débute depuis son entrée dans l'Armée, et couvre quatre des principales opérations extérieures (OPEX) auxquelles il a participé en Afghanistan, durant l'époque de Ben Laden.

Globalement, le film nous raconte une histoire somme toute assez classique, sans grande originalité, en reprenant des thèmes déjà largement explorés, sur fond de patriotisme échevelé (Dieu, devoir, famille, patrie, bla bla bla). Et je vous avertis : si vous n'êtes pas un fan des américains et de leur culture, mieux vaut vous préparer à en bouffer, du patriotisme. Toute la panoplie est là, sans fausse note. C'est d'ailleurs ce qui va modérer mon enthousiasme. Mais je vais y revenir.

D'un point de vue purement technique, le film est absolument irréprochable. La bande-son est à tomber, avec un souci du réalisme et un sens du détail millimétré. On peut littéralement entendre siffler les balles comme si on était sur le champ de bataille avec les soldats. Et si vous avez la chance de visionner le film en 5.1, c'est encore mieux. Je dirais même que c'est quasi indispensable, tant le niveau de qualité sonore est élevé. American sniper se veut davantage un film de guerre pur qu'un véritable drame, comme on pourrait s'y attendre (voire l'espérer).

Le choix de Bradley Cooper pour le rôle titre fait mouche. Le comédien semble avoir pris à coeur le travail qui lui a été confié et s'implique beaucoup dans le rôle. Il est servi de façon égale par la très belle comédienne Sienna Miller, qui se fait bien trop rare à mon goût. Quant au reste du casting, bien qu'accessoire, on ne dénote aucun souci particulier. L'ensemble du background reste au demeurant suffisamment crédible et très bien documenté pour suffire à nous convaincre.

Bien que le déroulement de l'intrigue soit assez bateau (un coup en Afgha, un coup à la maison, un coup en Afgha...etc.), le film parvient à maintenir l'intérêt du spectateur par une mise en scène chiadée et percutante lors de ses séquences d'action, et notamment des assauts contre les talibans dans des villes en ruines. On s'y croirait. Malheureusement, ce haut niveau de qualité dans la partie action prend carrément le pas sur tout le reste. Même si l'on s'attache assez rapidement au personnage de Kyle, j'ai eu tendance à moins m'intéresser aux passages dramatiques du film, qui devaient pourtant révéler le coeur de l'intrigue et la proposition dramatique du film : "on ne ressort jamais indemne de la guerre". En avançant dans l'intrigue, on a la fâcheuse impression que tout le film cherche davantage à faire un hommage aux compétences exceptionnelles du tireur, plutôt qu'à tenter de démontrer les ravages que la guerre fait sur lui (ce qui est pourtant bien le propos du film).

En fait, le fond du problème est que le film ne va pas assez loin dans son propos, et a tendance à ne focaliser que sur les phases de guerre pour dépeindre un monde brutal et sans pitié... Sauf que le spectateur a déjà largement conscience de cela. Des films racontant la violence de la guerre, il en existe des tas. Le véritable coeur du film était, à la base, de raconter l'impact qu'a eu la guerre sur Chris Kyle. Sauf que l'on en a qu'une vague ébauche, avec des séquences certes bien dirigées et très bien interprétées...mais survolées. Et c'est bien dommage, surtout lorsque l'on découvre la fin du film...

Il faut savoir que ce film a été globalement salué par la critique professionnelle. Avec un Oscar du meilleur montage sonore (mérité!), American sniper a également été nommé pas moins de cinq fois aux Oscars, notamment pour "meilleur film". Il a même obtenu un ratio de 73% à Rotten Tomatoes, ce qui n'est pas rien...

CONCLUSION :
Ni décevant ni entièrement convaincant, American sniper propose un film puissant et dynamique qui filme la guerre et les combats avec intensité, et une certaine virtuosité dans le réalisme, permettant une véritable immersion au coeur de l'Afghanistan. Personnellement, j'ai pris mon pied. On déplorera néanmoins que la proposition dramatique de l'intrigue soit reléguée au second plan, pour seulement flatter les exploits de guerre d'un tireur d'élite d'exception, en ne faisant que survoler l'essentiel du propos que souhaitait aborder Eastwood. De ce fait, le film perd de sa consistance initiale et se contente de n'être finalement qu'un énième film de guerre, alors qu'il aurait pu être beaucoup plus...

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