Anatomie d'une Chute, palme d'or de cette année 2023 à Cannes. Signe la quatrième réalisation de Justine Triet, et le retour à son sujet de prédilection : le couple. En effet plus que l'anatomie d'une chute ou l'anatomie d'un système judiciaire, c'est avant tout l'anatomie de la vie de cette femme et de son couple. On y suit Sandra, mère d'un fils mal voyant, suspecté du meurtre de son mari et seule contre tous. Dépaysée dans un environnement, un pays, une langue qui n'est pas la sienne, elle verra sa vie disséquée à travers ce procès et mise à nu jusqu'aux derniers détails.

D'abord viens l'autopsie d'une chute, avec un premier acte dominé par la reprise de P.I.M.P de 50 cents d'abord entraînante, puis assourdissante et inquiétante. Le film débute sur un des plans les plus importants du film puisqu’on y voit le chien rattraper une balle qui chute. À travers une première scène de dialogue, baigné dans le bruit, on devine déjà le malaise qui règne dans ce chalet, le spectateur est forcé de s’immiscer dans un endroit qu’il ne connaît pas, dans l’intimité de cette famille. Justine Triet places ses pions avec justesse, et impressionne grâce à des dispositifs de mise en scène fixe, minimaliste et simple mais diablement efficace. La caméra se met régulièrement à hauteur du chien, adoptant parfois son point de vu, indiquant déjà au spectateur la clé du dénouement du film. Avec également un plan zénithal nous montrant avec froideur ce corps maculant la neige de sang, la réalisatrice multiplie par la même occasion des plans vides de chaque pièce de la maison, indiquant avec effroi la présence d'aucun suspect, avec cette musique devenu désormais presque un personnage à part entière. Triet perd ainsi son spectateur à l’image de Daniel, mal voyant, qui ne peut qu’en imaginer la chute.

Puis viens l’autopsie d’un système. La réalisatrice par le biais de ce procès va dresser le portrait d’un système judiciaire qui favorise sans arrêt le plus accablant, voir parfois le plus fantasmé. De l’hypocrisie d’un système qui prône l’impartialité mais qui fini par orienter les faits plutôt que de juger les faits. Le métrage flirt même parfois avec la satire social n’hésitant pas à ridiculiser des personnages tel que l’avocat général qui en viens à hypotétiser et déformer presque à un niveau journalistique, ou ce gros plan amèrement hilarant de quelques secondes sur le visage de la juge venant de se faire remettre à sa place par l’éloquence d’un gamin de 11 ans. Un gamin de 11 ans, interprété par un acteur qui impressionne par sa justesse malgré un jeune âge, dans un premier temps dépassé par les évènements en témoigne le panoramique sur son visage faisant des allers retour au fil que la joute verbal prend de l’ampleur. Un système qui met à nu une accusée, une étrangère en terrain inconnu ; un système qui la déshumanise ; un système qui en devient malheureusement répressif parfois. De même pour les médias que Triet montre assez peu, mais qui à chaque apparitions ne manquent pas d’agresser le personnage de Sandra sur la place publique, chaque médias ayant sa petite opinion.

Et enfin viens l’autopsie d’un couple. Si Justine Triet avait plus d'une fois parlais du couple comme dans Sibyl, par les moyens de la psychanalyse et des discussions thérapeutique. La metteuse en scène choisi ici d'adopter un point de vu plus intimiste, une caméra proche des corps, essayant de capturer le plus authentiquement possible la relation chaotique et conflictuelle du couple, comme en témoigne le générique du film où des photos donnant l'illusion d'être prisent dans l'instanté se succèdent, des émotions figé dans le temps, figé dans un passé révolu. Si le film nous dresse d’abord le portrait de ce couple par une subjectivité extérieur avec le procès, l'enquête, les enregistrements audio, ou les témoignages de Daniel; c'est véritablement par la scène clé de discussion entre Sandra et Samuel que le métrage prend son envolée et nous montre toute les failles qu'un couple doit surmonter tel que les regrets, la jalousie ou l'orgueil, un mode de vie fait de concessions et d'union. Daniel leur fils, viendra à devenir le seul objet à la fois de conflit mais aussi de lien entre eux deux. C'est donc avec un point de vu qui devient petit à petit des plus intimiste, que Triet nous dévoile non pas sans un certains voyeurisme la chute de ce couple. Et c’est seulement après des années de combat que Sandra pourra enfin retrouver la paix, et surtout se réconcilier et profiter pleinement de son fils, se retrouver avec sa famille.

Pour conclure, Anatomie d’une chute est enfin la palme d’or depuis des années qui semble faire l’unanimité, et à raison. Puisque l’oeuvre de Justine Triet est un excellent film de procès, qui impression par ses dialogues qui font mouche, la justesse de ses interprètes, la simplicité et la maitrise de ses dispositifs de mise en scène, sa critique d’un système judiciaire, mais aussi surtout par l’intimité dont le métrage fait preuve pour dépeindre les déboires chaotique d’un couple en pleine chute.

T_800
8

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le 4 nov. 2023

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