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Dans la continuité de la découverte du cinéma de Triet après le visionnage de Sibyl, j’ai donc fais comme tout le monde et je suis allé voir Anatomie d’une chute au cinéma, dans une salle plutôt jeune et remplie, deux faits un peu rare donc ça fait plaisir. Pour réussir ça il faut sans doute beaucoup de talent et de fraîcheur, ce que Triet possède à mes yeux.


Triet expose une fiction et son intrigue par le prisme ultra-réaliste d’un procès, qui occupera une majorité du temps à l’écran, dans la salle du jugement. Le reste du temps, nous sommes dans le chalet, le lieu du crime. On a donc ici un double huit-clos.


On notera que beaucoup de scènes présentes d'habitudes dans les films de "crimes" sont absentés. Il n'y a pas de scène d'enterrement. Pas de scènes avec les familles. Ce n'est pas fait au hasard, je pense que ça n'interessait tout simplement pas Triet, et c'est très bien comme ça.


Je pense que Triet est une réalisatrice de la parole, du language. C'est un cinéma dialectique. Pour elle le language est un outil, nous sommes ce que nous disons ("parlêtre").


Je trouve le terme d’anatomie bien choisit, dans le sens où on assiste vraiment à une dissection de la vie de cette femme, de ce couple, de cette famille, tout autant des « chutes » que celle littérale de Samuel, afin de trouver le coupable.


La justice n'a pas pour but la vérité. Elle se doit de trouver et prendre partie. Ce procès se doit de trouver une réponse là où des fois, il n’y en a pas et c’est alors impossible de choisir, comme l’enfant le relève à un moment dans le film.


C’est un procès des vivants mais aussi des morts, où Samuel est aussi à culpabiliser pour Sandra et sa défense afin de se prouver innocente. J’aime les personnages remplis de défauts, qui ne sont ni vraiment bon ni vraiment mauvais, et je pense que Triet à parmi les meilleurs d’entre eux.


On retrouve des thèmes qui d’après mon visionnage de Sibyl, reviennent et semblent récurrents et chers aux yeux de Triet. Tout d’abord, la frontière entre fiction et réalité, à nouveau mise à nue. Cette fois, ces deux écrivains qui s’inspirent de leurs vies pour influencer leurs oeuvres, et inversement. Les relations amoureuses et familiales aussi, à nouveau dépouillées et étudiées.

A nouveau, la mise en scène et les plans sont travaillés et très beaux, certains soignés et photographiques et d'autres plus brut, digne de documentaire, d'où Triet vient. Le travail sur le son est vraiment notable. Le casting est vraiment bluffant, en particulier la performance de l’enfant. et bravo à Messi ! (c’est le chien). En parlant du chien, ça reste le spectre du fantôme de Samuel tout au long du film, et un personnage à part entière, filmé à sa hauteur. J'ai trouvé ça très malin de commencé le film en le suivant. On notera que Samuel accuse beaucoup Sandra d'être sur son terrain et de tout choisir, alors qu'ils vivent en France, qu’il ne parle jamais allemand, la langue de Sandra, qui elle s’adonne volontier au français.


Et si au fond, ce film ce serait pas l’histoire d’un homme écrivain qui ne voulait pas que sa femme soit écrivaine, n’acceptant pas le temps qu’une écrivaine doit s’accorder pour écrire au lieu de vaguer à ses occupations de femme attendue dans une société patriacale, là où la société tolère beaucoup plus un homme écrivain dans un couple ?


On notera la référence à Shining avec la balle descendant des escaliers, Kubrick étant une grande inspiration pour Justine (pour le coup on est pas ensemble, bien guez Shining)


Triet remercie Gilles Deleuze et Francoise Sagan dans le générique et c’est mignon. 10/10

chronically
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le 14 sept. 2023

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chronically

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