Coupe transversale d'un triomphe annoncé

Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.

Alors que Justine Triet a "raflé" la mise aux Golden Golbes et qu'Anatomie d'une chute fait l'unanimité, à peu de choses près, sur Sens critique et dans les rubriques culturelles de tous les bons hebdomadaires, je ne peux pas résister à écrire tardivement quelques lignes sur ce film de 2023 qui constitue un immense succès populaire.

Daniel est un homme faible, Sandra un monstre au féminin des temps modernes....

Dans Anatomie d'une chute, Justine Triet inverse tous les codes du récit classique. L'épouse Sandra, bisexuelle est adepte de la misandrie, elle frappe son mari et elle l'a -peut être- tué en le précipitant dans le vide après lui avoir mis un coup d'objet contondant en pleine tête (C'est mon intime conviction). Le doute profite à l'accusé mais au cas particulier, je pense qu'il n'existe plus vraiment compte tenu du faisceau de preuves et de l'examen des pièces à conviction par la police scientifique. Manipulatrice dans les grandes largeurs et s'appuyant sur un récit qui entretient le doute à tous les niveaux, la présumée innocente se lamente sur son "exil alpin" alors qu'elle a réussi, en tant que simple traductrice au physique quelconque, à séduire son mari, Daniel, ex professeur d'université à Londres et écrivain en manque d'inspiration. Justine Triet prend un malin plaisir à détourner tous les codes du film noir des années 50 et 60 dont les protagonistes féminines étaient toujours des femmes fatales et les héros masculins, des détectives machos qui ne s'en laissaient pas compter dans des métrages réalisés souvent avec panache.

Un schisme s'est créé dans le couple avec l'accident qui a rendu leur fils aveugle et dont le mari, distrait par ses vaines activités d'écrivain, est indirectement responsable. Le fossé s'est creusé compte tenu des infidélités de Sandra et du "penchant" de son mari pour la bouteille (qui peut transformer l'alcoolique en bourreau ou en victime). Sandra écrit à l'occasion, elle est même parvenue à publier ses romans basés sur des éléments autobiographiques, ce qui alimente la jalousie dans le couple.

Peut être que Daniel aurait dû rester célibataire à Londres comme prof de fac à "dragouiller" des étudiantes de 25 ans sans s'engager?

Un week end de réflexion et une chute amorale

Au regard des éléments recueillis par la justice, il y avait largement de la place pour que le doute ne profite pas à l'accusée. Tout repose sur les épaules de Daniel qui a déjà perdu son père. Si sa mère est condamnée, il sera seul au monde et placé dans une famille d'accueil. Son témoignage capital, faisant référence à un échange qu'il aurait eu avec son père avant sa mort, innocente définitivement sa mère à l'issue d'un week end de réflexion. Cela n'a rien à voir avec la justice ni avec les faits qui se sont déroulés mais s'explique par l'amour filial d'un enfant pour son parent survivant. Débordant de faux semblants et d'ambiguités, on ne saura même jamais si cet échange entre Daniel et son père a réellement eu lieu....

Au final, Anatomie d'une chute n'est pas un thriller palpitant, le film, trop long et handicapé par une réalisation de téléfilm, ne m'a pas vraiment tenu en haleine. Ce n'est pas non plus un film de procès inoubliable.

En revanche, c'est une dissection parfaitement contemporaine et orientée du couple et de la famille moderne qui démontre au moins deux choses:

- s'il existe un grand nombre de femmes battues, ce n'est pas un "privilège" réservé aux femmes....

- La vie en couple ce n'est pas forcément le paradis même si l'un des deux n'est pas obligé de rester sur le carreau....

Il est probable que le jugement que tout un chacun porte sur le personnage de Sandra (Qui a tout pour moi d'un cauchemar domestique...) influence également le regard que l'on porte sur l'oeuvre que j'ai pris personnellement peu de plaisir à suivre.

Je termine ce billet d'humeur sur une anecdote: une collègue de travail, assez peu cinéphile, m'a expliqué que si j'avais moyennement apprécié le film, c'était en raison de mon statut d'homme blanc de + de 50 ans...j'ai analysé cette affirmation, assez peu artistique mais très politique, comme étant aussi inquiétante sur mon avenir....que rassurante sur mes goûts en matière cinématographique qui coincident de moins en moins avec les productions contemporaines.

Ma note: 5/10