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La Bataille de Solférino m'avait à peu près convaincu de ne plus jamais voir de films de Justine Triet. Là dessus, dix ans passent, on lui file une palme et son dernier film devient l'évènement Français de l'été, alors allez, c'est parti pour 2H30 de miasmes et de hauts-cris au sein d'un couple en perdition...

Et puis finalement non. Anatomie d'une Chute s'avère un peu plus nuancé que son premier opus... Et à vrai dire, Palme d'Or pour Palme d'Or, c'est infiniment mieux que ces saloperies de Titane et Triangle of Sadness. Mais ça n'en fait pas l'excellent film que tout le monde vend pour autant.

Au détour d'une enquête bâclée et d'un procès vaguement houleux, le film raconte à nouveau l'histoire d'un couple déchiré par ses pires décisions avec au cœur du problème une sorte de compétition malsaine autour de l'art et de sa pratique dans un quotidien morose... Le couple a un enfant qui, suite à un terrible accident, est atteint d'une cécité totalement aléatoire, qui peut aller de myope comme une taupe à Matt Murdock, et un beau jour le drame frappe : le mari est retrouvé mort au bas de leur chalet. Meurtre crapuleux ? Suicide ? Bien malin qui pourrait le dire... alors c'est à la justice de trancher.

L'acte I est tellement poussiéreux et procédurier qu'il m'a vite mis sur une fausse piste : j'ai cru que c'était le gamin qui avait fait le coup ! Résultat : même quand le récit finit par se concentrer sur son véritable sujet, j'ai quand même le doute.

Tout le film est fait comme ça, sans trop de savoir faire ni d’intelligence… Les éléments qui devraient être mesurés et pondérés sont caricaturaux, et ceux sur lesquels il fallait insister sont à peine évoqués…

Exemples en vrac : les enquêteurs et le ministère public ne sont que des personnes malveillantes, voire agressives, on cède au manichéisme le plus évident... Et à l'extrême inverse certaines idées ne sont pas exploitées à fond, comme celle de la double réalité exposée dans le livre écrit par l'héroïne, qui finit par arriver à son fils. C'est à peine posé là, sans plus de travail.

À la longue c’est usant.

Ceux qui aiment ce procédé, de montrer des couples en lutte contre eux-même sans chercher à prendre parti, trouveront leur compte et sans doute leur palme... Mais l'absence d'effort ne venant pas compenser l'absence de talent, j'ai tout loisir de prendre moi-même des décisions comme un grand, et de basculer.

Lors de La Bataille de Solférino, je suis sorti de la salle militant d’extrême droite et je voulais envoyer les deux membres du couple à l'échafaud...

Ici, la scène de confrontation en flashback montre clairement un névropathe passif-agressif pousser sa femme à bout pendant 5 minutes et ensuite on voudrait qu’elle reste aussi stoïque que lors des 4 premières... N'importe quel psychologue engagé par les avocats aurait pu décrypter et déboulonner la scène en moins de temps qu'il ne faut pour l'écouter...

Difficile de ne pas prendre parti pour la femme, tant le film insiste sur sa bienveillance et celle de ses adjuvants. Il n'y a aucune place pour évoquer le poids de sa responsabilité dans les faits. Pas même par le personnage lui-même, y compris lorsqu'elle est acquittée. Sa seule remarque est de dire qu'elle a "gagné" le procès sans impression de récompense...

Et enfin, même si au bout du compte le fils n'a pas fait le coup, je pense que c’est un dangereux psychopathe et la meuf mandatée par l’état pour assurer sa neutralité et son équilibre, est d’une incompétence rare. Un week-end, le gamin empoisonne son chien pour vérifier une théorie et... nan pas de problème on continue comme ça, pas la peine de l’institutionnaliser en urgence… mais ouais !

Anatomie d'une chute est un film pauvre qui agite mollement les bras pour brasser du vent. Ça n'est pas l'effort qu'on est en droit d'attendre, mais apparemment Cannes aime l'air frais.

J'aimerais cependant m'arrêter sur une performance hors du commun : celle du chien. S'il ne repart pas avec le César du meilleur second rôle c'est un scandale !

mikeopuvty
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le 2 sept. 2023

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Mike Öpuvty

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