As I Lay Dying
5.4
As I Lay Dying

Film de James Franco (2013)

Quête spirituelle au matérialisme débordant.

Voilà un vrai défi pour James Franco, dont ce n'est pas le premier film en tant que réalisateur, bien que trop semblent l'ignorer et le critiquent sans même s'être renseigné sur la carrière du fameux "beau gosse d'Hollywood sans talent". Le vrai défi, c'est d'adapter l'écriture protéiforme de ce roman hors des rails, sans le trahir et en proposant tout de même quelque chose de nouveau à travers le format cinéma. Autrement dit, mission quasi-impossible, mais allons-y, pourquoi pas après tout, on peut être surpris.

Que fais James Franco? Il suit l'histoire et les personnages de près en tentant de rendre palpable les différents points de vue du roman de Faulkner : c'est l'utilisation du split-screen, des monologues face caméra, les plans assez longs et silencieux sur les visages burinés de la famille Bundren. Ce qui est réussi, c'est avant tout le climat moite et torride du sud des Etats-Unis, c'est la difficulté d'une époque nouvelle qui obéit à un matérialisme effréné. Le paradoxe ébauché par Faulkner, c'est de mêler une quête spirituelle (amener une dépouille à sa ville natale, parce qu'on lui a promis de son vivant) qui n'a finalement aucune réelle utilité et semble se révèler comme une absurdité, et un univers férocement dominé par le temps, l'argent et les possessions matérielles. James Franco l'a compris et il s'accroche comme un diable à tous les détails prosaïques de l'histoire. Parce que, finalement, c'est toujours trois dollars et on ne peut pas se permettre de cracher sur trois dollars même si sa mère est sur le point de mourir. Il fait revivre la misère et la boue, d'une époque dont nous semblons avoir tout oublié, et du point de vue de l'atmosphère, ça marche très bien.

Ce qu'il a peut être un peu moins réussi, c'est de convertir finalement tout le côté expérimental du roman en expérimental cinématographique. Il y a de bons procédés en idée, mais sur la durée, ça tombe à plat parce qu'ils sont pour moi assez mal exploités. Gus Van Sant, sans adapter de roman faulknerien, avait bien mieux compris les potentialités d'une écriture cinématographique fragmentée, déconstruite dans le temps et l'importance du décalage dans une même scène filmée selon des points de vue différents (voir Elephant, et Last Days notamment). Pour autant, la production de James Franco est honête, sa réalisation, même si elle n'est pas aussi fabuleuse qu'espèrée, raccroche les wagons in extremis et permet de passer un bon moment, plutôt contemplatif soit, mais qui vaut le détour. Les acteurs sont bons, et retranscrivent à merveille l'accent rocailleux du sud, et la musicalité d'une écriture superposée.

Oui, ce film ne mérite peut être pas 7, je lui mets 7 pour remonter sa moyenne sur SensCritique, parce qu'il a été trop mal jugé je pense. Je lui mets 7 aussi pour le défi relevé d'adapter le monument de Faulkner à l'écran. James Franco ne nous livre pas un film révolutionnaire, mais un bon film qu'il s'agit de regarder avec la conscience critique qu'il n'arrivera pas à la cheville du livre, mais qu'il peut toujours nous surprendre et nous faire revivre un peu les paradoxes d'une époque et d'un lieu aujourd'hui oubliés.
Cachalot
7
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le 10 oct. 2013

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5 j'aime

Cachalot

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5

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