C'est le titre original du film de Billy Wilder tiré d'un roman éponyme de James Cain (l'auteur du "facteur sonne toujours deux fois"). Je n'ai jamais lu le roman et donc n'en parlerai pas.

Film noir dont le montage de l'intrigue est original puisqu'il s'agit d'un monologue ou d'une confession dont on sait quasiment dès le départ les tenants et aboutissants. Alors pas de suspense ? Eh bien si, mais le suspense, on le trouvera ailleurs …

On peut très rapidement résumer l'histoire en une tentative d'escroquerie à l'assurance menée par une femme Phyllis (Barbara Stanwyck) aidée de son amant Walter (Fred MacMurray), lui-même courtier de la même compagnie d'assurance. C'est ce dernier qui enregistre sa confession en voix off à l'intention du chef du contentieux de la compagnie, Keyes (E.G. Robinson).

Le truc génial du film, c'est que le spectateur a beau savoir, grosso modo, dès les cinq premières minutes, ce qu'il va se passer, il veut surtout comprendre comment on en est arrivé là. Parce que le scénariste s'appuie, entre autres, sur du non-dit, par exemple sur le caractère pas très moral du mode de fonctionnement d'une compagnie d'assurance qui consiste à faire payer un grand nombre des gens pour ne "jamais" rembourser quand il y a besoin, car il y a toujours la mauvaise clause qu'on a oublié de lire dans les "petites lignes " du contrat. Donc, le spectateur a bien envie que ce couple réussisse son coup. Il se sent d'ailleurs solidaire de l'avancement de l'action ou plus exactement des causes qui vont faire échouer un projet pourtant minutieusement monté.

Il y aura ainsi plusieurs départs de fausses pistes comme Keyes qui ne croit pas au suicide (suggéré par le patron de la compagnie) ou encore le suspense lorsque la voiture ne veut pas démarrer. Bon an, mal an, l'action se poursuit avec des alarmes, des suspicions de duplicité de certains personnages. L'action se poursuit avec ce duel, inégal, entre le courtier Walter et le chef du contentieux Keyes.

Et ceci m'amène à parler du casting que je n'hésite pas à qualifier de génial. Même si je sais pertinemment que les acteurs McMurray et Stanwyck sont plutôt entrés dans le film à reculons.

Et justement. Prenons le cas de Fred McMurray. Acteur de personnages de comédies gentillettes. Là, il fallait un personnage qui soit un courtier, compétent, qui connait bien les arcanes et pièges des assurances mais qui soit suffisamment candide pour se faire manipuler. Il fallait absolument un acteur de seconde zone par rapport aux stars Robinson et Stanwyck. D'ailleurs au début, Walter comprend très vite les manigances de Stanwyck et les refuse mais voilà, la libido a ses contraintes qui font qu'elle va l'emporter sur la raison. Malgré ses airs supérieurs, Walter est un faible. Et sa confession sera un modèle du genre avec une voix off qui n'est pas forcément en phase avec la vérité comme s'il cherchait à se justifier à tout prix, comme s'il ne s'agissait que d'un jeu face à Keyes, son chef.

"C'est moi qui l’ai tué. Pour de l’argent et pour une femme. Je n’ai pas eu l’argent et je n’ai pas eu la femme. Formidable, non !"

Barbara Stanwyck traine derrière elle des personnages de caractère ("Meet John Doe" de Capra) ou de femmes sans trop de scrupules. Là, elle joue un rôle de femme fatale mais habile face à ce courtier beau gosse et trop sûr de lui qui va tomber, d'un coup d'un seul, dans ses filets ; au début, on y croit presque à cette passion dominée par l'intelligence et on hésite presque tout le reste du film. Même si les éléments négatifs s'accumulent sur le personnage vénéneux et toxique de Phyllis. Un superbe travail d'actrice

Edward G. Robinson est, comme toujours, un grand. Même s'il est de très petite taille et pas très glamour ! Même s'il ne paye pas de mine avec ses petits cabotinages (que j'adore sans restriction). Mais il dégage une présence incroyable sur scène face aux autres acteurs. Là, en chef du contentieux, il excelle en vicelard, en tordu, en retors, qui voit le mal partout. Je me demande même si Melville ne s'en est pas inspiré dans son personnage du chef de l'IGPN du "Cercle rouge" avec Paul Amiot (qui physiquement ne paye pas de mine, non plus) …

"N'oubliez jamais : tous coupables"

Au final, un très beau film noir. Où l'on croit tout savoir dès le départ pour se rendre compte au fur et à mesure qu'on ne savait rien.

Du grand art.

JeanG55
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le 14 mai 2024

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