Au loin, Baltimore
6.3
Au loin, Baltimore

Court-métrage de Lola Quivoron (2016)

Qui sont les riders, ces jeunes à moto qui font des roues arrières dans les rues des quartiers résidentiels, entre les tours des cités ? La jeune réalisatrice Lola Quivoron a décidé de s'y intéresser et d'aller à leur rencontre. Sans jugement, sans apriori, elle a passé 6 mois à les retrouver les dimanches faire des roues arrières et rouler comme des fous. Sans casque, sans permis parfois, sans moto homologuée. Elle en a fait un film de fin d'étude, gardant son regard bienveillant sur ce groupe de personnes atypiques.


Le film se concentre sur un jeune rider qui suite à une panne va retourner chez lui réparer sa bécane. Le film va donc entrer dans son intimité et voir l'autre facette du jeune, à pied, sans casque ni masque. Tout se joue à demi-mots: sa relation avec son petit frère, son père et l'absence de la mère. Si le film cherche une sobriété presque documentaire (l'acteur principal est un membre de ce groupe de riders qu'elle a suivit), le principal défaut du film va rapidement poser un sérieux problème.


Malgré une direction d'acteur sans reproche, le manque d'enjeux, les soucis d'écriture et de rythme entache très fortement ce film qui partait avec une attitude et une bienveillance remarquable. Le scénario ne semble jamais démarrer, se cloisonnant dans cet appartement. Aucune réelle tension ne s'installe. On ne peut que pester devant des séquences trop longues et parfois inutiles.


Exemple du père qui dort pendant tout le film. On devine qu'il est ivre mort. Mais il y a plusieurs moments où l'on revient à lui comme s'il était une menace alors que l'on voit bien que rien ne le réveille. Et ce retour incessant à lui ne construit rien et sent le forçage à plein nez.


Lola Quivoron explique qu'elle a hésité à faire un film qui se passe sur les routes, suivant les riders "froisser la ville". Derrière cette jolie expression qu'ils utilisent, il y a une réappropriation fabuleuse de l'espace qui leur est retiré et elle-même en parle très bien. Mais dans ce scénario, seuls des outils vus et revus (famille éclatée, sans repères, etc), nous font éprouver de la tendresse et de la compréhension pour ce jeune homme. C'est dommage car finallement ce qui commençait comme un film original et couillu se transforme en film social à la française où toute les relations humaines sont déjà répertoriées dans le grand dictionnaire du cinéma à César. Et pourtant j'aime énormément comment la réalisatrice slalome entre les clichés sur les cités et les jeunes de banlieue, cependant elle se heurte au pire des murs: le cinéma français.


La façon dont la famille est traitée, mise en scène, les cadrages, le montage, le son, bref toute la forme du film est un cliché de film homologué FEMIS (d'où sort la réalisatrice). Le film est extrêmement propre, calibré. Mais ce standard du "beau à la française" casse aussi ce point de vue original et le fond et la forme se rejoignent dans ce côté déjà-vu du cinéma français. Là où des cadres plus inspirés, plus construits et surtout plus original aurait apporté un vent de fraicheur.


Là où la réalisatrice peut cependant nous surprendre c'est qu'elle travaille sur le même sujet mais pour un long-métrage. Espérons que l'originalité cinématographique sera au rendez-vous parce que son propos et son approche sont vraiment intéressants !

Augustin-Prophè
5

Créée

le 10 mars 2017

Critique lue 980 fois

1 j'aime

Critique lue 980 fois

1

D'autres avis sur Au loin, Baltimore

Au loin, Baltimore
Augustin-Prophè
5

Ici, c'est Paris

Qui sont les riders, ces jeunes à moto qui font des roues arrières dans les rues des quartiers résidentiels, entre les tours des cités ? La jeune réalisatrice Lola Quivoron a décidé de s'y intéresser...

le 10 mars 2017

1 j'aime

Du même critique

Cartel
Augustin-Prophè
4

Dans l'arizona tout le monde vous entend crier

Ridley Scott partait pas mal: une histoire de cartel de drogue, des acteurs que j'apprécie, une bande annonce dynamique, du sexe avec Penélope Cruz, etc... Mais force est de constater que c'est un...

le 11 nov. 2013

39 j'aime

6

Machete Kills
Augustin-Prophè
8

Tonton Machete, Oncle Charlie et William Wallace

Machete, on aime ou l'on n'aime pas. L'initiative du nanar "fait exprès" ne séduit pas tous les cinéphiles, mais sur moi, ça marche carrément. On retrouve Machete, le héros le plus badass de...

le 1 oct. 2013

27 j'aime

6

California Dreamin'
Augustin-Prophè
8

Make your own kind of BD

Alors que l'on observait une nette tendance à la standardisation graphique et narrative chez certains auteurs à succès issus d'internet, nous pouvons enfin souffler: ça bouge ! Pénélope Bagieu...

le 21 sept. 2015

25 j'aime

1