Albert Dupontel s'est lancé dans une sacrée aventure en voulant adapter le livre de Pierre Lemaitre, prix Goncourt 2013, Au revoir là-haut. A la découverte du premier teaser, ce fut un émerveillement de découvrir ces bribes d'images, de folie, de couleurs. N'ayant pas encore lu le livre, je ne comprenais pas tellement ce que je voyais, mais j'étais captivée, hapée par cet univers si riche en tout point. L'histoire s'annonçait plus sombre que ce que ces images laissaient paraître. Et puis, sur les seuls mots prononcés par la petite fille "Pour avoir déclenché la guerre, pour ne pas l'avoir empêché, pour avoir aimé la faire, vous êtes tous condamnés à mort ! Exécution !", oui, j'avais hâte de découvrir Au revoir là-haut.


En plus de devoir recréer l'époque de l'après Première Guerre mondiale, il a du s'attaquer à un gros travail d'écriture pour obtenir une histoire plus cinématographique que littéraire. Et puis trouver le casting idéal. Ce film est une réussite sur tous les plans, même l'affiche est magnifique. Dupontel a beaucoup travaillé, peaufiné son scénario jusqu'à la version finale, la treizième, dont il a fait valider la fin par Pierre Lemaitre, car différente de l'œuvre originale. En effet, il a choisi de remanier l'histoire en en gardant l'essence, et en tirer une narration plus captivante pour un spectateur de film quand un lecteur appréhende l'histoire différemment. Ainsi ce film restera une surprise, devenant à la fois une enquête policière, un drame familial et une sorte d'allégorie de la société de l'après guerre.


Côté décors, costumes et accessoires, il n'a rien laissé au hasard non plus, en s'alliant à une équipe créative qui offre du pur bonheur à nos yeux. De l'ambiance des tranchés froides et poussiéreuses aux intérieurs de palaces parisiens, tout est travaillé dans le moindre détail, ça fait vrai, en partie grâce au talent de Cédric Fayolle, qui s'est occupé des VFX. Associé à la photographie de Vincent Mathias c'est un délice. L'autre belle surprise est la panoplie de masques créée pour le personnage d'Edouard Péricourt, par la créatrice Cécile Kretschemar. Ils ont une fonction narrative importante, faisant échos aux émotions ressenties par le personnage qui le porte, tout en faisant quelques clins d'œil à l'art émergeant à l'époque, dont une magnifique pièce en hommage à Picasso.


Et puis, ce casting incroyable réunissant autour de Dupontel lui-même (Bouli Lanners devait au départ jouer le rôle d'Albert Maillard, mais son emploi du temps ne le permettant pas, Dupontel l'a finalement remplacé) Laurent Laffite, Niels Arestrup, Mélanie Thierry, Emilie Dequenne et surtout Nahuel Perez Biscayart, qui est pour moi la révélation de l'année. On l'a découvert il y a quelques mois interprétant un rôle extrêmement fort dans 120 battements par minutes. Ici, il a encore un rôle à caractère, Péricourt étant un homme abîmé qui a besoin de s'exprimer et de crier au monde quelle arnaque a été cette guerre et bien plus encore, dans lequel il est parfait, en partie grâce à ses yeux si expressifs et une gestuelle efficace. Le duo qu'il forme avec la jeune Héloïse Balster, l'incroyable petite Louise, est attendrissant autant par leur malice que par la manière dont ils se comprennent.


L'acteur qu'on ne voit pas au premier abord jouer un méchant, que dis-je, une ordure de la pire espèce, c'est Laurent Laffite. Et pourtant, on détestera le Lieutenant Pradelle de bout en bout. Dupontel a su le filmer de manière à le rendre inquiétant. La manière dont le personnage est d'ailleurs amené à l'écran fait écho à des films d'espionnage tel un grand méchant de James Bond avec son regard maléfique laissant percevoir son immense perfidie. Albert Dupontel démontre tout son talent de mise en scène, mais aussi dans l'écriture des dialogues et de l'histoire en elle-même. Tout comme les décors, rien ne sonne faux, rien n'est surjoué, les mots sont tous bien placés. Il nous fait profiter de moments vraiment drôles et d'autres plus touchants, tout en cultivant l'art du suspense pour un dénouement impossible à deviner.


Les personnages secondaires sont tous aussi géniaux que les principaux, car chaque détail a son importance et c'est bien cela qui fait la qualité de ce film. Je retiendrai surtout le personnage du maire joué par Gilles Gaston-Dreysfus, si amusant lors de ses entrevues avec l'imposant Marcel Péricourt, parfait Niels Arestrup, amenant à chaque fois des situations burlesques extrêmement drôles. C'est bien cela qui fonctionne, la façon dont on peut passer du comique au tragique, de manière si naturelle, par un mot bien trouvé ou un retournement de situation inattendu.


Au revoir là-haut surprend, émerveille, amuse, joue avec nos émotions, est spectaculaire. Avec cette aventure épique, Dupontel confirme tout son talent autant dans sa mise en scène que dans son écriture et a su s'approprier l'œuvre de Pierre Lemaitre pour en faire du grand Cinéma.


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le 11 nov. 2017

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