Ne parlons pas de qualité de film même si la note en témoigne lourdement.

Quand on voit ce genre de film, on sait ce qu'il y a dedans. La qualité, l'aspect formel de l'oeuvre est extrêmement secondaire (oui, c'est l'autre chose extrême dans ces genres de film).

Certains films se regardent justement parce qu'ils ont la propriété de repousser les limites (mais pas celle de la vanité et de l'ennui).

Ainsi August Underground's Mordum détient complètement ces propriétés-là.

La découverte du site bestgore.com m'a définitivement achevé et me tourne dorénavant plus vers des films où la violence est psychologique. Parce que je me suis aperçu que si on ne fait aucune psychologie des personnages, ce pourquoi on les meurtrit, une sensation de vide prend place... Pas de dégoût, pas de plaisir, juste du vide.

Et plus c'est vide, plus c'est flippant : en fait, c'est en nous-mêmes, face aux crimes les plus atroces, que se déroule le vrai film d'horreur. Le film devient juste une bougie d'allumage, un souffre, un détonateur qui va pousser son sujet à l'abréaction.

Si on cherche du vraiment gore/trash... alors c'est ce qu'on fait de mieux sur le marché international.

Justement August fait parti des derniers films qui, par un effet de réaction à la violence, me font peu à peu renoncer.

C'est comme si j'avais assisté aux meurtres, c'est dire la violence et la réussite paradoxale de l'objet ! A ne vraiment pas voir la différence entre le vrai et le faux... Et pourtant, je suis du genre plutôt indifférent avec ce cinéma-là.

Malgré tout, je pense que ce n'est pas le cinéma qui est intéressant avec ces films... Non. C'est soi-même.
On regarde ces films pour faire une expérience sur soi-même... Repousser les limites en fait parti mais ce n'est pas une raison, c'est un prétexte. Non. Ce qui est recherché, c'est l'étude de l'impact traumatique...
Parce que certains veulent savoir comment cette profusion de violence va se mouvoir en moi, comment elle va impacter ma conscience ou si elle l'altère comme certains disent.

C'est un expérience humaine avant toute chose, bien plus que cinématographique...

Puis, une fois que j'ai fini avec cette expérience (quel film peut-il se permettre d'atteindre le statut de l'expérimentation ?), il est possible de se rendre sur le site bestgore.com... Avec ce site, on passe encore une étape puisqu'on passe à des situations réelles. Avec ce site, j'ai remarqué que je n'en pouvais plus dans le sens où, parce que ce n'est pas fictif, pas voulu...

Conclusion : quelle que soit la violence des images, je suis toujours aussi réceptif à la douleur et à la mort. Par contre, je suis moins sensible... (mais je pense que pour s'attarder autant sur ces films, je ne possédais pas une sensibilité particulière, un dégoût de la douleur).

J'ai travaillé un peu au SAMU. Et je me souviens que, quand un appelant, vous appelle parce qu'il s'est passé un drame et qu'il y a au téléphone la certitude d'avoir un mort à traiter, même quand ce mort est un suicidé, et bien c'est un truc à encaisser et auquel on repense souvent dans la journée... et dont on se rappelle dans sa vie. Et pourquoi cette différence fondamentale ?

... Parce que les événements de l'histoire sont irréversibles.
C'est cette notion de conscience de l'irréversibilité des événements qui accroît la gravité de l'acte observé.

Je ne désencourage pas les autres à faire leurs propres expériences avec leurs consciences et leur corps. Par contre, je dis clairement qu'il n'y a rien à chercher de ce côté-là, sinon des traumas nécessaires à l'expérimentation... Rien que je n'ai pas déjà dit ici, rien qui ne soit déjà la vanité et l'ennui.

***

Autre écrit :

Les films d'horreur ne sont rien à côté de la violence psychologique. Si on regarde Salo ou Despuès de Lucia, la violence impacte différemment puisqu'elle prend en compte la distance.

Si l'on observe quelqu'un se faire torturer physiquement à l'écran, cette torture ne nous arrive pas en réalité et nous n'avons jamais fait expérience de la douleur sous la torture. Comment peut-on se représenter l'inimaginable ou ce dont nous n'avons pas fait l'expérience ?

Alors, étrangement, l'horreur doit passer par d'autres canaux que l'horreur pour ce qu'elle est.
C'est pourquoi, même s'ils sont dégueulasses artistiquement, les films immersifs sont les mieux placés pour s'emparer de l'horreur : en passant par la subjectivité. C'est d'ailleurs pour cette raison que le projet Blair Witch avait autant fonctionné à l'époque : devant un film de trois francs six sous, nous étions les témoins impuissants de la peur des protagonistes. Et l'impuissance peut être un facteur de réussite du genre horrifique.

Ensuite, on peut réfléchir sur la forme que doit prendre l'immersion pour être cinématographique : autobiographie ? "histoire vraie" ? subjectivisme ? documentarisme ?

August Underground's Mordum a été un tournant, un point charnière pour moi. Il a été le film qui m'a fait arrêter la surenchère de violences froides. Il a été aussi le film qui me faisait penser que ce qui importe dans le meurtre, ce n'est pas tellement sa sauvagerie. C'est sa sauvagerie en rapport avec ce que représente la victime : si la victime est n'importe qui, il n'y a pas de lien d'attachement avec elle... donc à partir de là, il y a un grand écart émotionnel : d'un côté il n'y a aucune empathie ni pour les bourreaux ni pour la victime et d'un autre côté, paradoxalement, le caractère inconnu et interchangeable de la victime (l'exemple suprême étant C'est arrivé près de chez vous) est créateur de malaise froid. Ce même froid qui doit être similaire à celui des bourreaux eux-mêmes, mais tout en étant spectateur doué de raison.

Qu'on dise que ce n'est pas du cinéma, cela s'entend... Mais cela reste une expérience, artistique sans aucun doute, que cela plaise ou qu'on s'en indigne.
J'avoue aussi qu'il m'est arrivé plus souvent d'arrêter un film par ennui que par dégoût (Schizophrenia et Audition m'ont fait arrêté le film par leur terreur car ils m'ont pris par surprise ; et dans le genre Horreur, l'étonnement vaut de l'or).
Andy-Capet
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le 7 juil. 2013

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le 2 déc. 2013

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