Thanos contre-attaque, critique full spoiler

Bon ben voilà, c'est l'heure du crossover le plus ambitieux de l'histoire et comme toutes les idées gigantesques, c'est toujours mieux dans ta tête qu'en vrai. Passons rapidement sur la question technique où il n'y a pas grand chose à redire, c'est propre, c'est joli, ça explose et ça se met des beignes et ça abime les costumes et ça se téléporte et ça se duplique et ça fait imploser des planètes et tout ça dans la sérénité budgétaire la plus totale. On pourrait tout de même déplorer le manque d'idées en termes d'environnements portés à l'image, on reste dans un space-opéra et à part des variations sur le thème du désert après la bataille on a pas grand chose à se mettre sous la dent. Mais ne pinaillons pas sur l'emballage, ce qui nous intéresse est à l'intérieur et laissez-moi vous dire que ça sent bien le renfermé.

Tout d'abord, Thanos. Malgré ce qu'essaye de nous vendre l'affiche avec son Avengers, c'est bien avec lui qu'on passe le plus clair de notre temps et c'est donc notre protagoniste. C'est le seul avec un objectif clair, les autres personnages étant juste là pour le retarder en lui mettant des beignes à répétition. Et pour un mec avec qui on passe si longtemps, force est de constater que son plan et sa personnalité sont aussi plats l'une que l'autre. Car son plan est de... diviser par deux la population des espèces intelligentes et consommatrices de ressources, et c'est tellement stupide et absurde que je ne comprends pas qu'ils aient osé le faire au premier degré. Comme notre seul exemple évident est l'espèce humaine, si on part du principe qu'il s'agit d'un futur proche avec ses 7 milliards d'être humains, la diviser par deux nous ramène... Au début des années 80 avec ses 3,5 milliards. Aller chercher les six pierres du big bang pour gagner 40 ans, c'est pour le moins inefficient comme procédé. Et je ne parle même pas du fait qu'on parle des ressources de l'univers (L'UNIVERS). Le fait d'être obligé d'inventer des règles tirées par les cheveux pour pouvoir justifier ce scénario absurde (oui mais peut-être que tout l'univers entier a un rythme de croissance beaucoup plus faible que les humains et que tout l'univers, en plus de ça, consomme un milliard de fois plus que l'espèce humaine) qui est pourtant profondément central est ahurissante.
Ce que je trouve encore plus gênant si on sort un peu la tête du film, c'est qu'il s'agit d'une question très fortement d'actualité et qu'aucun personnage ne s'arrête pour raisonner avec Thanos. Lui expliquer que le recyclage, la décroissance, tout ça, si t'as les 6 pierres de l'infini tu peux peut-être espérer avoir les moyens d'au moins imprimer des tracts pour faire passer le message sur les solutions alternatives ? Non, apparemment c'est la moitié de la population de l'Univers (L'UNIVERS) ou rien.
En dehors de ce "plan", on a rien à se mettre sous la dent : Thanos est un conquérant sanguinaire, il a un faible pour l'une de ses filles adoptives mais il doit la sacrifier, et puis basta. On dira ce qu'on voudra, pour moi ça manque quand même beaucoup de traitement pour le plus gros méchant de l'Univers. Mais le post-générique nous annonce qu'il reviendra alors c'est sûr que cette fois, contrairement aux dix films précédents, on en saura plus, promis ! Laissons-le profiter de sa retraite anticipée pour nous pencher sur l'autre équipe et à mes yeux ce qui incarne le naufrage de Marvel dans son univers cinématographique : la tétrachiée de héros immortels.

Lorsqu'on regarde chaque film Marvel individuellement, on fait instinctivement abstraction des conventions du film de super-héros : oui le héros peut prendre beaucoup beaucoup BEAUCOUP de coups et se relever car c'est son film, il ne va pas mourir. L'un des personnages secondaires mourra peut-être, mais maintenant que c'est Disney on se dirigera plutôt vers la perte d'un bras, des jambes, d'un œil, bref de quelque chose d'important mais rien qu'un gadget ne puisse remplacer. Le héros devra faire un sacrifice pour sauver son ami ou son amoureuse (oui je parle au masculin mais on a que ça dans le MCU) mais il choisira toujours son amoureuse face à, au hasard, le sort de l'univers, et réussira à sauver tout le monde quand même. Sur une durée de 2h et une seule histoire, c'est convenu mais si c'est bien fait on le tolère. En revanche, quand toutes les histoires se mélangent on s'aperçoit de la supercherie et on se sent salement arnaqué. On a droit à trois choix entre l'amoureuse et le sort de l'univers (L'UNIVERS les amis) mais Star Lord ne tuera pas sa copine, sa copine ne tuera pas Vision et Strange décidera de sauver Stark. Avec à chaque fois une pierre qui tombe chez Thanos, donc on peut quand même considérer que le dernier rempart de l'humanité est une sacrée bande de guignols. Mais à la limite, pourquoi pas, l'humanité choisit l'Amour, c'est joli, c'est symbolique, nanani nanana. Maintenant la vraie question : pourquoi tout le monde prend des pluies de météorite sur la tronche et se relève sans cesse ? On dirait un combat imaginé par un enfant de six ans qui ne veut jamais abandonner une figurine. Alors Loki meurt dans les premières secondes, ok, mais l'impact émotionnel est nul, on vient d'arriver les cocos, laissez-nous le temps. Puis... Plus rien. On prend une baffe on se relève. Encore, encore et encore. Thanos sacrifie sa fille. Notez la nuance, c'est Thanos qui perd quelque chose, sa fille ne meurt pas au sens d'un film de super-héros, c'est le protagoniste qui prend la décision de la sacrifier. Miroir évident des choix des gentils, qui choisissent l'amour quand Thanos il s'en bat les steaks, il est là pour faire de l'épuration cosmique donc il choisit la mort mais j'y reviendrai à la fin. Bref, on envoie des hordes de super-héros à l'assaut du méchant le plus puissant de l'Univers, et ils se relèvent toujours. On sent assez vite que quelque chose ne va pas, et plus le film avance plus l'action et son absence de conséquences est en décalage avec les enjeux proposés (pour rappel : le sort de L'UNIVERS). Jusqu'à ce final audacieux dans l'idée mais absolument raté dans son exécution : tout ceux qui doivent mourir "meurent" d'un coup. De la même façon, à la suite, en deux ou trois minutes, sans cérémonie. Donc de deux choses l'une : soit le film suivant confirme toutes ces morts, qui resteront alors dans les mémoires comme les disparitions les plus absolument nulles de l'histoire des morts de personnages ; soit le film invente une formule magique pour revenir en arrière avec la pierre du Temps ou que sais-je, les franchises peuvent se poursuivre et on aura eu droit au plus gros combat sans victimes de l'histoire de la guerre. Dans les deux cas, c'est nul à chier et dans les deux cas, le même résultat aurait pu être atteint en égrenant les morts des personnages au fur et à mesure du film pour qu'on aie au moins le droit à un peu d'adrénaline, qu'on comprenne que ça ne rigole plus et qu'on se sente concerné.
Bref, j'ai du mal à voir quoi tirer de ce film. Thanos est visiblement le "vrai" héros puisque comme décrit plus haut, il correspond au profil du personnage qui prend 1000 coups et se relève 1001 fois, qui doit sacrifier un être cher (au contraire de ses adversaires qui prennent des décisions égoïstes) pour atteindre son objectif, et qui gagne à la fin. Et je trouverais ça génial et audacieux si d'une part son personnage était ne serait-ce qu'un minimum détaillé, et d'autre part si ses motivations n'étaient pas si grand-guignolesques. Côté crossover c'est la vaste panade et le film se prend les pieds dans le tapis, tant il est vrai que quand tous tes personnages ont pour seul trait distinctif d'être fort à la bagarre, lorsqu'ils sont tous en train de se bagarrer on a du mal à les distinguer.
Pour ce qui est de la suite, j'espère de tout cœur qu'il n'y aura pas de bouton reset et qu'on aura droit à un parti-pris audacieux. Comme j'ai pas compris le sigle qui apparait à la toute fin du post-générique, l'avenir m'est incertain.