Un mythe toujours d’actualité : à deux doigts de faire du non-cinema

Un nom lourd de sens pour l’humanité, un sujet historique traité par le média lui-même et un casting important : voilà le projet Babylon 2023.

Le but de cette production est assez simple : témoigner à l’écran des débuts de l’histoire du cinéma en mêlant vécu personnel et Histoire au sens large. C’est tel un hommage sous la forme d’un témoignage en y mettant tout son cœur et ses tripes, du haut de ses 37 ans que Damien Chazelle nous livre ici dans une fresque presque burlesque et sincère.

Manuel Tores, un immigré mexicain joué par Diego CALVA, acteur encore au début de sa carrière arrivé fraichement aux Etats-Unis pour essayer de survivre, va passer par différents métiers pour gagner sa vie et se retrouver ensuite impliqué en haut lieu dans l’industrie impitoyable du cinéma américain des années 20. Déjà ici, le parallèle simple mais efficace peut déjà être fait avec Diego CALVAS, il a lui-même grandit au Mexique et immigré aux Etats-Unis en assurant des petits boulots : en charge du catering, opérateur son, ensemblier, assistant de production avant de pouvoir se faire une place à l’écran.

Ce n’est pas le seul dont le rapprochement peut être fait tel leurs rôles dans le film peut être vu comme un miroir « retrospectif » du début du siècle. Comme le personnage de Brad Pitt : Jack CONRAD, vétéran adulé du cinéma muet qui voit son âge d’or décliner avec l’arrivée du cinéma parlant. Brad PITT nous sert ici une de ses meilleures prestations dramatiques en voyant son entourage le quitter une fois devenu has been. DIVULGACHAGE : Personnage adulé, festif invité de toutes les parties fines du gratin d’HOLLYWOOD il finira moqué, snobé et dans un dernier élan de mélancolie et de fierté se suicidera. Tel un aveu intransigeant et pourtant récurant dans le milieu du Showbusiness : il vaut mieux vivre dans la gloire et savoir mourir au bon moment plutôt que de lentement descendre les marches que l’on prenait dans le sens inverse il y a encore quelques années.

Voici deux exemples d’acteurs jouant leurs propres vies, il y a aussi Tobey MAGUIRE, proposant à un joueur de Poker de le payer 1000$ pour le voir aboyer faisant encore une fois écho à ce sombre et crapuleux organisateur de soirée interdites aux non-initiés payant des gens pour réaliser les pires ignominies pour son propre plaisir.

En un mot la mise en abîme est déjà là, grâce à ses acteurs mais elle ira plus loin puisque les principaux protagonistes Diego CALVA et la belle mais vulgaire Margot ROBBIE essayant de s’en sortir par le haut à travers tout le film dans l’industrie finiront par se perdre dans la décadence : alcool, outrances, drogues, déchéance de leurs place sociale récemment acquise pour fini exilés, seuls et divisés. Encore une fois, ce sujet ayant déjà été traité par le passé (Mulholand Drive et sa protagoniste provinciale découvrant le royaume des stars et l'envers du décor), Hollywood est impitoyable, tout le monde ne réussit pas et pour ceux qui réussisse : cela ne dure qu’un temps avant de se faire supplanter par des nouveaux arrivants, sans parler des fantasmes raciaux : Lady Fay Zhu (Li Jun Li) et Sidney Palme (Jovan Adepo) .

Le public est aussi toujours plus exigeant, sans vouloir faire un procés d'intention, au fond ceux qui ont apprécié le film l’on peut être ressenti pour les mauvaises raisons : car le film dépeint un entre-soi d’acteurs prenant les nouveaux arrivants comme un divertissement à jeter : des clowns qui n’y ont leurs place que le temps de l’entracte pour les inspirer, les nourrirs afin de pouvoir assurer leurs reproduction sociale.

En effet et malheureusement peut-être (chacun voit midi à sa porte) ce sujet de fond est inconsciemment et peut-être aisément nié par les artifices réalisés d’une main de maitre : richesse du détails, tant historique, comme le nez en plein milieu de la figure ou via des clins d’œil, les acteurs, costumes, scènes loufoques et bien entendu : la musique. Elle accompagne le film dans son entièreté tel une fanfare de plateau télévisé nous permettant d’avoir un sentiment de continuité malgré les différentes scènes et personnages suivis.

Il y a encore beaucoup de choses à dire sur le film et ses personnages qui comme je l’ai dit est riche. Mais les points abordés ici sont importants à prendre en compte pour réaliser que le film est réussi.

En dernier élément, et pas des moindres car il se mérite au bout de ces trois heures et vient se poser en point d’orgue et final du film : sa conclusion. Véritable élément moderne concluant cette superbe production : un enchainement kaléidoscopique et épileptique de messages cinglants, scène culte du cinéma depuis ses début avec pour fond sonore le thème du film revenant de plus belle avec de nouveaux arrangements électronique et analogiques percutants.

Le fait de terminer par un video clip musical est une excellente idée pour laisser chez le spectateur une image finale évocatrice et conclusive sur son spectateur. Les diffusions de peintures et liquides en rajoute pour donner une impression d’apothéose d’art et d’essai en un mot : osé. Godard ne l’aurait pas renié : fin de cinema. Le message est donné.

Le Cinema est un univers mondain, impitoyable qui échoue de plus en plus à faire rêver son spectateur car peut-être lui-même ne rêve plus, ne se projette plus. Qui dira que les meilleures productions sont à venir et non passées ? Voilà peut-être la pensée de Damien CHAZELLE, choquant, dîtes-vous ? N’est-ce pas le but de l’art et de la pensée de fixer ou déloger les idées reçues afin d'interpeler et questionner ? Pour apporter quelque chose quelque part, laisser une trace, il faut être absolu.

Le déjà oscarisé, Damien Chazelle a 38 ans aujourd’hui et le monde a déjà les yeux rivés sur lui et sa production, il est jeune, en vogue, sait s’entourer et a réussi à allier ses deux cultures d’origines Americaine par sa mère et Française par son père. Il est un grand admirateur des Parapluies de Cherbourg ou encore des Demoiselles de Rochefort qui lui ont permis de réaliser La La Land et le baigner dans un univers ou le son et l’image sont indissociable. Quoi de mieux que la musique pour nous transporter et magnifier, sublimer voire même donner à un sens à une image ?

Cadnu55
7
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le 10 août 2023

Critique lue 5 fois

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Cadnu55

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