Un pet devant un briquet allumé, ça fait un lance-flammes.

L’histoire trop académique, brinquebalante, du jeune premier (William Baldwin) qui rêve d’être pompier comme son paternel, et qui est en conflit contre son frère plus fort que lui, et qui ne deviendra jamais comme son père, …car pas aussi courageux, héroïque. Mais bon, malgré son manque de confiance en lui, sa gaucherie, sa maladresse, le héros a tout de même plus d’une bouche d’incendie dans son caleçon, il est malin, et sait s’entourer de sages dans ce monde de cramés et de brutes épaisses viriles que sont ces hommes du feu qui fument comme des pompiers, même après la fin du brasier.

Et puis il y a De Niro en détective, Donald Sutherland en pyromane - autiste, et Kurt Russel, en drôle de cow-boy du feu, solitaire, généreux et émouvant. Heureusement que ces trois-là sont présents dans le film, ça lui donne un peu d’épaisseur et d’envergure. De Niro et Kurt Russel s’éclatent dans ce film de pompiers cascadeurs, et s’amusent comme des gosses qui n’ont plus rien à prouver dans le cinéma. C’est une cour de récréation pour eux, et ça se voit, ils ne se prennent pas au sérieux. Telle cette scène qui a dû être maintes fois tournée, où Kurt Russel, après un incendie d’immeuble, encore tout feu tout flamme, plein de suie et de poussière, à moitié cramoisi, demande hilare à De Niro, l’enquêteur des incendies criminels : « Alors Shawn ? Vous avez trouvé la cause ? » ; De Niro répond, pas sérieux pour deux sous, avec son indéfectible sourire et ses yeux plissés : « des souris avec des allumettes ». Voilà… à prendre au 14ème degré, comme les brûlures de certaines victimes. Et c’est vrai qu’on en bouffe du bien cuit côté chair embrasées, de ces bonnes combustions de corps dégageant des flammes et de la fumée.

Le film que tous les pompiers doivent avoir vu (m’a dit mon beau-frère pompier de Paris). Il y a de bonnes choses (j’en parle plus bas), réelles, véridiques (le feu ça brûle), du subtil presque, mais du très lourd aussi, du Rambo-dans-les-flammes en tee-shirt, seul, contre un vrai feu de dieu, …du gros auquel on n’adhère pas ; il s’en sort quand même, alors qu’il a le feu au cul. Et puis le discours pesant de l’esprit d’équipe, ultralourdingue : « tu tombes, on tombe… », Mouais. L’honneur ridicule à en pouffer de rire ou à en soupirer de lassitude arrive à son plus haut point lorsque Kurt Russel, blessé, regarde son frère se dépêtrer au milieu d’une bonne flambée, et dit à ses collègues « regardez ce mec ! C’est mon frère nom de dieu ! »

Derrière sa flambée de caricatures et sa fournaise de clichés (le jeune premier a du mal à s’intégrer dans l'équipe, avec le propos en filigrane super facile style c’est dur le métier de pompier, je ne sais pas si j’aurai du choisir le métier de pompier, putain ils sont un peu chiants quand même mes collègues pompiers, je fais un basket avec mes collègues pompiers entre deux missions...), le film possède au moins cette subtilité de faire du feu un personnage à part entière, un vrai tueur sanguinaire et incinérateur. Evidemment, le feu est provoqué, est allumé par quelqu’un, il n’y a pas de fumée sans feu, et le tout est forcément de savoir qui ; ce qui constitue l’intrigue, une enquête policière classique, sans grand intérêt. Mais la nouveauté, l’originalité du film, vient de la manière de filmer le feu. C’est un élément intelligent, une personnalité du film qui s’élève au niveau des acteurs. Ron Howard filme magnifiquement la fumée qui surgit furtivement de sous une porte, avant que celle-ci ne soit ouverte par la victime, ne sachant pas qu’elle va délivrer un feu furieux n’attendant qu’un appel d’air. Tel un prédateur qui laisse des traces, le feu laisse les poignées des portes chaudes, laisse entrevoir sa fumée, comme si l’on voyait son ombre, ou son âme.

Il aurait fallu se focaliser sur le feu, plutôt que de partir dans de multiples directions qui perdent le film, et finissent par lasser le spectateur.

Mais la fin, hélas, paraît étrangement moralisatrice, et semble se clore sous cette expression connue de tous : « à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler ».
Errol 'Gardner

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