Baggage
Baggage

Court-métrage de Danis Tanović (2011)

Bienvenue en Bosnie-Herzégovine

Après un voyage fatigant en voiture, un homme arrive à une douane. On lui demande ses papiers et on inspecte son véhicule. Dans son coffre, une valise. Cela ne saute pas aux yeux, mais on peut faire un raccourci en disant qu’il passe la frontière la tête particulièrement chargée alors que ses bagages sont plutôt légers. Au retour, la tendance aura commencé à s’inverser.


Le film :


Un homme assez jeune (25-30 ans), bien mis, arrive en Bosnie-Herzégovine dans une petite Hyundai confortable. Il vient de Suède (Malmö) où il a laissé sa femme (une jolie blonde) et leur enfant. Il voudrait les joindre sur skype, mais à l’hôtel où il a réservé, ils n’ont pas Internet. Il est attendu à la morgue le lendemain pour identifier ses parents. On lui présente des restes humains calcinés. Ému mais digne, dans la foulée il appelle sa femme et se contente de dire que ce ne sont pas eux. Pourquoi cette certitude ? Il se sent incapable de l’expliquer.


Le soir, avant de prendre la route du retour, Amir pousse en voiture jusqu’au village de sa jeunesse où, de loin, il observe trois hommes se chamailler devant le café. Dans le même temps, quelqu’un a repéré Amir. C’est Dusan, un ami d’enfance qui l’interpelle depuis son jardin. Il se dit très surpris, car il était persuadé qu’Amir était mort, lui aussi (lui aussi ?) Juste avant de le laisser partir, Dusan se décide à révéler à Amir qu’il sait qui peut le conduire à ses parents. Évidemment, Amir est intéressé et Dusan lui désigne Miladin. Amir le retrouve au café. Suit un face à face tendu, car Miladin voudrait savoir qui affirme qu’il sait où sont les parents d’Amir. Puis, il annonce qu’effectivement il veut bien emmener Amir, contre 5 000 euros. De retour à l’hôtel, désormais à Sarajevo (sans doute pour trouver un guichet où retirer l’argent nécessaire), Amir discute avec sa femme sur skype. Elle tente de le dissuader, en vain. Très déterminé, Amir va finalement chercher Miladin chez lui, faisant fi de toute discrétion. De toute façon Dusan le lui a dit « Ici c’est un village et tout se sait. » Dusan, armé, accompagne Miladin en voiture, jusque dans une forêt. Après un peu de marche à pied, Miladin montre un endroit où Amir s’agenouille. Les larmes aux yeux, il trouve une montre qu’il reconnaît, puis il ramasse deux crânes et quelques os qu’il place délicatement dans sa valise. Miladin a pris la fuite avec l’argent.


Notes et observations


Pourquoi Miladin connait-il cet endroit dans la forêt ? Dans quelles circonstances les parents d’Amir ont-ils trouvé la mort (très probablement exécutés) ? Pourquoi Dusan savait-il que Miladin pouvait les conduire à cet endroit ? Dans cette histoire, Miladin a les mains sales, au moins aux yeux de Dusan qui profite des circonstances pour le faire sentir à Amir.


Avis personnel


Ce court métrage (2011 – 27 minutes), signé Danis Tanovic (également auteur du scénario et de la musique) est malheureusement une rareté. Après la dernière image, un commentaire écrit précise que 16 ans après la fin de la guerre, le sort de 100 000 personnes reste incertain.


Bagages (en français) s’inscrit donc clairement dans un processus de préservation de la douloureuse mémoire du territoire de Bosnie-Herzégovine. Pendant des siècles, serbes, croates et bosniaques s’y sont côtoyés selon un équilibre fragile qui a fini par voler en éclats. Meurtrier, le conflit armé s’est accompagné de déplacements forcés de populations ainsi que de génocides. Même si la paix est entérinée, il reste des traces de ces violences (et la présence de bourreaux qui bénéficient de l’impunité). Certains voudraient tenter d’oublier pour mener une vie aussi équilibrée que possible. Le film met en présence trois individus aux parcours différents. Amir a pu faire sa vie à l’étranger, mais il cherche à savoir ce que ses parents sont devenus. Dusan et Miladin vivent toujours dans le village de leur enfance, où tout se sait même si la majorité se terre derrière sa porte. Le film montre bien cette ambiance.


Prtljag (titre original) marque par l’intelligence de son propos. Ni trop long ni trop court, il plonge le spectateur dans un univers où chaque scène apporte son lot d’informations, avec beaucoup de questions qui s’accumulent. Dans l’obligation d’interpréter, le spectateur reste captivé, car les scènes s’enchainent pour apporter autant de révélations que d’interrogations. Le texte final apporte des clés, mais pas forcément toutes. Il faudrait par exemple savoir dans quelle(s) langue(s) s’expriment les protagonistes, s’ils en changent suivant leurs interlocuteurs ou la situation. Les lieux peuvent également avoir leur importance. Laconique, le film montre néanmoins beaucoup et en dit long par ses choix de mise en scène. Globalement, l’image est surtout dans des tons froids, qui collent avec les expressions fermées la plupart du temps sur les visages. On sent que des années de terreur et de tension sont passées par là. A observer les visages et les comportements, on sent que les protagonistes sont revenus de tout. L’essentiel est de vivre, ce que chacun poursuit à sa manière. En suivant l’itinéraire d’un jeune homme revenant au pays, le réalisateur place le spectateur dans la position de celui qui découvre comment les choses se passent, à lui de comprendre pourquoi.

Electron
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le 21 oct. 2021

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