L’homme est un loup pour la femme

Pour un premier film, c’est un coup de maître ! Un film dont le manque de moyens est manifeste, mais qui fait preuve d’un grand professionnalisme, avec une réalisation exigeante, et des comédiennes talentueuses (et ce n’est pas un jeu de mots !). Un film qui t’agrippe par les couilles tout en restant sérieux, un grand film qui parvient à traiter de façon poétique quoique sanglante de graves phénomènes de société. Car la prétention de Virginie Despentes n’est pas moins que d’assumer un nouveau féminisme ayant pour vocation d’éradiquer la domination masculine. Car Baise-moi, si tragique fut-il, met en avant l’envie de castration, l’énergie d’insoumission, la révolte contre une position qui soumet les femmes aux plus bas instincts des hommes. L’homme est un loup pour la femme, la violence engendre la violence, et l’exacerbe encore davantage, dans un enchaînement tragique. Car on croit les filles au fond du trou, mais ce n’est qu’un début, la descente aux enfers ne fait que commencer. Se libérer des fers sans s’en faire, s’enferrer sans Ferré, tel est le drame, dans ce road movie dont la puissance n’est pas sans rappeler celle d’un Thelma et Louise.

Un film dont le propos est sérieux, et qui prend donc à bras le corps des thèmes trop souvent délaissés, mais qui est aussi capable d’assumer une forme d’autodérision, avec des personnages se moquant de la nullité de leurs dialogues ! Alors, certains trouveront toujours à redire, la caméra est parfois hésitante, mais elle ne fait que renforcer la puissance du propos, indiscutable. Car la vulgarité et le sexe sont ici métaphore d’une société violente emplie d’horreurs dont on tait trop souvent le nom. Un film courageux qui sort des sentiers battus, une œuvre terriblement incomprise alors qu’elle t’assomme pour mieux t’inciter à t’insurger et à réfléchir à ta façon de modifier un comportement dont tu sais au fond de toi, sans le reconnaître ouvertement, qu’il n’est pas celui que l’éthique exige. Un film jouissif, un trésor injustement dégradé, un diamant qu’on pourrait croire écorné à jamais par la critique. Une œuvre magistrale qui, contrairement à bien des films, sait s’arrêter avant qu’il ne soir trop tard. Un film à voir impérativement en VO tant l’interprétation est magistrale.

Fallait-il interdire Baise-moi ? Non, évidemment, même s’il est évident qu’il peut choquer les plus jeunes. A se demander pourquoi Virginie Despentes n’a réalisé que deux films depuis 2000. Sans doute son souci de la qualité d’un travail bien fait. Non, définitivement, je ne me sens pas un seul instant avoir été baisé en embrassant Baise-moi, bien au contraire. Il faut voir et revoir Baise-moi car à n’en pas douter, ce film fera date.

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le 1 avr. 2014

Modifiée

le 1 avr. 2014

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socrate

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