1942, l'année où des milliers de cas du « syndrome Bambi » furent diagnostiqués

Bambi (inspiré de l'italien « bambino ») apparaît pour la première fois dans Bambi, l'histoire d'une vie dans les bois. Il s'agit d'un roman écrit par l'auteur autrichien Felix Salten en 1923, puis interdit en 1936 par les autorités du régime nazi, persuadées que l'histoire est une allégorie politique du sort des Juifs. Par conséquent, la plupart des exemplaires de l'époque sont brûlés, alors que Walt Disney vient tout juste de mettre la main sur l'un d'eux.
En effet, alors qu'il entame son premier long-métrage Blanche-Neige et les Sept Nains, le réalisateur se lance le défi d'adapter l'histoire de Bambi. Mais en raison de divers contre-temps liés aux droits d'adaptation, au manque d'argent, ainsi qu'à l'attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, son film d'animation ne sort finalement que sept ans plus tard, après Pinocchio, Fantasia et Dumbo.
Ces difficultés finirent cependant par s'avérer bénéfiques, car elles laissèrent le temps aux différents concepteurs du film de réaliser une oeuvre travaillée et emplie d'émotions.


Après Blanche-Neige et les Sept Nains, Pinocchio, Fantasia et Dumbo, Bambi clôture ce que j'appellerais « le premier âge de Disney ». En effet, il faudra attendre huit ans avant que le studio fasse son retour avec Cendrillon en 1950.
Si j'ai décidé de regrouper ces cinq films d'animation, c'est aussi car ils partagent de nombreuses similitudes. Mettons de côté Fantasia, qui se démarque complètement, pour comparer les autres œuvres.
Dans chaque dessin animé, le titre porte le nom du personnage principal. A sa manière, ce dernier est toujours naïf et maladroit (notamment Pinocchio, Dumbo et Bambi lorsqu'ils apprennent à marcher). On remarque aussi un côté sombre qui se perpétue au fil de ces dessins animés. Disney y apporte des séquences tristes ou effrayantes, manipulant nos émotions par la théâtralisation de scènes inoubliables (Blanche-Neige qui se perd dans la forêt, Pinocchio et Geppetto qui sont poursuivis par la baleine, Dumbo qui s'apprête à sauter d'un immeuble, la mort de la maman de Bambi). Le message à faire passer est toujours similaire : le monde est dangereux, les Hommes sont méchants et cherchent à nous faire du mal ou se servir de nous, il faut donc être méfiant et apprendre à distinguer le Bien du Mal pour réussir à survivre.


A l'instar de Dumbo, ce dessin animé est l'un des plus courts de Disney. Il ne se passe pas grand-chose, il y a peu d'éléments créatifs et tout se déroule dans une forêt.
Mais Bambi, c'est surtout l'histoire du cycle de la vie. Le film en retrace toutes les étapes, de la naissance à l'âge adulte, puis de l'âge adulte à la naissance, en passant par l'apprentissage de la marche et du langage, mais aussi par le deuil et l'amour. L'histoire se termine exactement comme elle a commencé, par l'arrivée du nouveau petit prince, le bébé de Bambi et Féline. On comprend alors que Bambi va prendre la place de son père, le cerf respecté de la forêt, et que le nouveau-né va devoir à son tour tout découvrir du monde.


Toute l'histoire est perçue du point de vue des animaux, ce qui les rend encore plus réalistes. Les chasseurs ne sont d'ailleurs jamais représentés. Ils n'existent que pour faire du bruit et détruire la nature.
Les autres personnages sont terriblement attachants. Nous avons Bambi, petit faon pratiquement muet qui doit tout apprendre, Panpan, le prototype de l'enfant qui tente de détourner les règles gentiment, Fleur, mouffette mâle très discrète, le Hibou, qui parvient à impressionner les enfants tout en demeurant très sympathique, la maman de Bambi qui a tout d'une maman (mais c'est à peu près tout), le Grand Prince, très impressionnant mais pas très présent pour son fils, il faut l'avouer, puis Féline et les deux autres amoureuses.
Mon plus grand regret par rapport aux personnages est de ne pas voir davantage Fleur, qui se fait voler la vedette par Panpan et n'apparaît donc que dans quatre scènes, ce qui est peut-être dû à son absence dans le roman d'origine. Je regrette aussi qu'on en sache si peu sur le Grand Prince et son lien avec la maman de Bambi. Comme dans Dumbo, il semblerait ici que les nouveaux-nés n'aient pas besoin de leur père pour avancer dans la vie... Disney percevait-il la parentalité de cette manière, ou bien pensait-il que cela reflétait mieux la réalité des animaux ?


Quoi qu'il en soit, on ne peut que s'émerveiller devant le travail de réalisme et de précision effectué.
Les cerfs et faons sont magnifiques, sobres et gracieux. Les mouvements sont particulièrement fluides, surtout lorsque Bambi apprend à marcher ou lorsque les cerfs font leur entrée. Les saisons se succèdent et nous offrent un éventail de teintes naturelles.
Je reprocherais juste aux décors d'être parfois trop sombres et qu'il n'y ait pas davantage de plans éloignés et de scènes plus lumineuses.
J'ai par contre été éblouie par le travail de l'eau et des flammes, avant que le film nous livre une des plus belles scènes, celle de la forêt ravagée par le feu.


Si Bambi nous charme surtout par son caractère émotionnel, il n'y a finalement que peu d'idées créatives. Je retiendrai surtout la rencontre avec Fleur, la scène où Bambi découvre son propre reflet et celui de Féline, celle où le Hibou voit le jeune cerf en plusieurs exemplaires à cause de son arbre en mouvement, mais aussi celle où il explique l'amour (« C'est normal, tout le monde batifole au printemps », ainsi que celle où Bambi se met justement à « batifoler » dans les nuages avec Féline.
Mais ce sont surtout quelques scènes inoubliables qui font la beauté et l'intensité du film, les scènes de chasse, la mort de la maman de Bambi, la bataille avec l'autre jeune cerf et l'incendie de forêt.
Notons aussi ce moment très ironique où, alors que la maman vient d'être tuée, les animaux se mettent à chanter « C'est la saison du bonheur ». Ça m'a beaucoup fait rire (en fait... non, pas vraiment).


Le ton adopté tout au long de Bambi est sérieux et calme, ce qui marque l'opposition avec les scènes dramatiques, qui semblent d'autant plus violentes. Le fait qu'il y ait peu de dialogues et d'humour, et que Bambi traverse toutes les périodes de la vie, rend le film accessible autant aux enfants qu'aux adultes.


J'ai trouvé la musique de Bambi particulièrement « narrative », pour reprendre le terme employé dans Fantasia, car elle ne semble pas être simplement au service de l'image. Entre Edward aux mains d'argent et Les Dents de la Mer, elle s'avère enchanteresse dans les moments calmes de l'hiver avant de s'intensifier dans les moments de peur, pour transmettre les émotions de Bambi et des autres personnages.
Aucun morceau ne parviendra cependant à palier le succès de « Un jour mon prince viendra » ou « Quand on prie la bonne étoile », malgré quelques chouettes mélodies comme « Clap clip clap » et « Je chante pour toi ».


Longtemps considéré comme la plus grande oeuvre de propagande anti-chasse, Bambi est également à l'origine du terme psychologique « le syndrome Bambi », le fait de ressentir une compassion et un attendrissement exagérés à l'écart des animaux.
Mais Bambi laisse surtout sa trace dans l'univers cinématographique et dans nos esprits, par son univers merveilleux, ses personnages attachants et ses scènes déchirantes.

Lilymilou

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