Kevin au pays des merveilles: une histoire sans fin



Bandits, Bandits, c'est la plongée dans l'onirisme comme Terry Gilliam seul sait les créer. C'est un peu le brouillon du Baron de Münchausen et la source quasi-carrollienne de plusieurs grandes oeuvres cinématographiques et télévisuelles sorties depuis les années 80.
C'est l'histoire du jeune Kévin qui, après avoir lu des livres sur Agamemnon, se retrouve à combattre un monstre et à chevaucher aux côtés de son héros. Pris dans une spirale onirique, il devra affronter un être maléfique pour sauver l'univers: c'est l'Histoire sans fin trois ans avant la lettre. C'est une histoire de voyageur dans le temps dont les design et les liens tissés entre jouets et livres de l'enfance et réalité historique revue et corrigée à l'aune de ceux-ci préparent les saisons 5 et 6 du Newho (série séquelle au Dr who classique) sans oublier son épisode interactif de la saison 2-3 (L'Attaque des Grasks) qui s'inspire largement de l'épanadiplose du film qui transforme le monde en carte du temps.
En même temps, qui de mieux que des voyageurs du Temps pour inspirer un Seigneur du Temps ?
Bandits, Bandits saura donc plaire aux amoureux de L'Histoire sans fin et du Docteur Who et laisse à rêver ce que pourrait être un épisode de chacun de ces univers sous la houlette gilliamienne.
Et aux amoureux d'Alice au pays des merveilles, puisque Gilliam s'amuse comme à son habitude à gommer, brouiller les frontières entre réel et imaginaire pour offrir un spectacle fantastique à nul autre pareil ! La fin du film, fumées et Sean Connery double à l'appui, en constitue la meilleure illustration.



James Bond et R2D2 contre les Dr Monty et Python



Fait exceptionnel, ce voyage à travers le rêve et le temps s'accompagne de toute une galerie grinçante et charmante de personnages et d'événements ayant profondément marqué l'Histoire ou les histoires.
Cette galerie animée est incarnée par des acteurs haut en couleur, très investis dans leurs rôles mais inégalement exploités ou bien écrits.


Kévin fait d'emblée équipe avec un commando de nains qui sont les anti-héros éponymes parmi lesquels on pourra reconnaître deux vedettes de Star Wars: Kenny Baker, le célébrissime R2D2, et Jack Purvis, qui cumule le rôle de créatures étranges et que l'on retrouve dans bon nombre de films de Terry Gilliam.


Cet étrange, chamailleur et comique équipage fait vite la connaissance de Napoléon Bonaparte. C'est Ian Holm - plus proche de son Bilbon Sacquet de la double trilogie de Peter Jackson que de son rôle de Père Cornelius dans le 5e Elément - qui prête ses traits au célèbre empereur français. Napoléon en pleine scène de beuverie avec des nains, passant en revue tous les grands Hommes de petite taille de l'Histoire, en pleine crise de complexe d'infériorité dû à sa petite taille, quoi de plus hilarant et caustique à la fois ?


Fuyant avec le trésor et ... la main en or de Napoléon, nos bandits du temps se retrouvent face à Robin des Bois. Ou plutôt, le Robin des Bois de John Cleese, un gentleman pillard de grand chemin qui semble mal à l'aise à la tête d'un groupe de brutes qui vole aux riches pour donner aux pauvres mais qui ne peut se garder de frapper tout ce qui bouge. Un Robin auquel John Cleese, en bon Monty Python flegmatique, donne un aspect comique indéniable mais qui reste , bien malheureusement anecdotique faute d'une plus longue utilisation dans le scénario.


Robin furtif mais Agamemnon plus présent et impérial: Sean Connery, éternel James Bond, incarne avec force et majesté un roi guerrier et élégant qui trouvera son alter-ego (réel ?) dans un pompier bravant les flammes. Seul personnages créant un lien fort entre les deux réalités, campé avec un réel plaisir par l'écossais le plus apprécié au monde, Agamemnon laisse derrière lui des pistes inexplorées, laissées à l'abandon: la jalousie de Clytemnestre à l'égard de Kévin, adopté par son époux, le lien qui existe entre le Roi et le pompier, par exemple.


Un autre Monty Python est doublement présent (au scénario et sur scène !) : il s'agit de Michael Palin. Amusant, il se borne aux rôles d'hommes de différentes génération d'une même famille qui peinent à conclure à cause de leurs défauts physiques. Amusant, certes, mais un peu simple et répétitif.


Toute cette farandole nous faisant tournebouler du Premier Empire français aux temps anciens des légendes, peuplés d'ogres et de géants, en passant par le Moyen-Âge, l'Antiquité et le naufrage du Titanic (que l'on ne pouvait pas prévoir, car aucun naufrage n'était annoncé sur la carte d'embarquement ) !



Les Voleurs du Temps contre les Marchands du Temple



Derrière le rire, les astuces, les bonnes répliques et les grimaces, un réquisitoire sans appel à l'encontre du progrès technologique et de la société de consommation.
A l'image de cette mère qui semble s'inquiéter de la survie de son fils pris dans un incendie et qui cherche en réalité son grille-pain !
A l'image de ces adultes, du couple de parents à l'Empereur Napoléon qui sont les proies d'une attraction qui les détourne de leurs véritables objectifs existentiels ! Et de ces gens qui se laissent insulter voire torturer pour passer à la télévision !


A l'image de ce Mal qui se cache derrière le présentateur de jeu télévisé, qui favorise et incarne tant le progrès technique, la technologie, le numérique et la robotique qu'il est lui-même une sorte d'androïde bizarre qui ne s'assume pas en tant que tel et joue les sorciers des premiers âges !


A l'image de ce temps d'où l'on extrait que des êtres des temps passés et un avion à canon-laser si dangereux qu'il tue plus les amis que les ennemis !


Bandits, Bandits, c'est aussi un cri d'alarme de Terry Gilliam qui montre les temps passés et le peu de technologie totalement maîtrisé, pour mieux exorciser un futur effrayant où l'Homme sera dépassé par ses créations.


Un bon film dans l'ensemble même s'il ne fait parfois qu'effleurer les sujets qu'il veut aborder. Un e version longue, plus aboutie vaudrait bien la peine afin de parfaire cet excellent début.
Pour cela, il faudrait compter sur nos Bandits du Temps !

Frenhofer
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le 9 juil. 2018

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Frenhofer

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