Baraka
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Baraka

Documentaire de Ron Fricke (1992)

En voilà une déception qu’elle est grande ! Avec tout ce que j’avais pu lire d’enthousiasmant, avec les notes très flatteuses de mes éclaireurs, je n’imaginais pas que je serais tant déçu. Pas vraiment la baraka… Je crois qu’il va falloir que je m’explique !


Tout commençait pourtant très bien : des musiques simples, la majestuosité de la nature, des plans lents, et ce magnifique macaque japonais prenant sereinement son bain. C’est magnifique, et il faut continuer de s’émerveiller de tout cela.


Puis il semble qu’on bascule sur un film s’intéressant à la foi, on a là des représentants des grands monothéismes, mais aussi des bouddhistes, et un sâdhu, filmés avec respect et une grande dignité. C’est là que ça commence à être difficile pour l’athée que je suis. C’est joli tous ces rites, cet encens, ces bougies bouddhistes, ce feu sacré, ces rituels, ces différentes formes de dévotion, mais si je respecte tout cela, cela ne me touche pas, je crois que l’on peut être bien et bon sans tout ça, que l’on peut vivre bien sa condition humaine sans tout cela. Les religions n’ont pas le monopole de la sagesse !


Avec de chouettes images obtenues en time lapse, Ron Fricke oppose la vitesse du monde actuel au recueillement, au silence, à la lenteur, à la nature, et en cela, il a bien raison. Par contre, la présentation est un peu biaisée. S’il filme une superbe scène de danse balinaise, il n’accélère jamais les images pour ces peuples, seulement pour les Japonais ou les Occidentaux…


De très belles images donc, qui tournent parfois à l’inventaire, la Kaaba, le mur des lamentations, les derviches tourneurs, Sainte Sophie, Saint-Pierre de Rome, le Gange, Angkor, Tian’anmen, et j’en passe. Beaucoup d’images qui font partie d’un patrimoine commun. Pourquoi pas.


Mais le film n’évite pas la caricature. La partie centrale de Baraka est en effet un portrait à charge du monde actuel, où l’on voit de nombreux aspects, désagréables, mais réels, de notre monde : des sans abris, des enfants qui n’ont d’autre choix que de faire la manche, de travailler dans les poubelles à ciel ouvert voire de faire le tapin. On a aussi des images d’Auschwitz, et des traces du génocide cambodgien. Il est pour moi excessif de comparer ça aux peuples dits premiers ou à la nature sage et immobile, ou encore aux rituels religieux. Car si le film ne contient aucune parole, c’est le montage qui édicte un message, et la mise en parallèle de tous ces éléments me semble peu opportune.


Le film a quand même le mérite de pointer certains aspects que l’on oublie, par résilience, parce qu’on n’a pas le choix, parce qu’il faut bien vivre et pour cela fermer, un peu, les yeux. Mais il le fait mal, de façon extrêmement caricaturale, comme ces plans d’un arbre qu’on abat, ces explosions dans une carrière, les images terribles du traitement des poussins dans ces immenses usines. Tout cela est vrai mais le ton est sentencieux, moralisateur : l’homme détruit la nature, c’est mal. Aucune contextualisation sinon la mise en parallèle de ces images avec la beauté de la nature ou de la piété de certains hommes. En gros, le réalisateur pointe les absurdités du « monde moderne » et il a en cela tout à fait raison, mais il ne le fait que pour mettre en avant ceux qui respectent la nature (les « peuples premiers ») ou les hommes pieux, présentés ici en quelque sorte comme des résistants. On n’est pas loin non plus du mythe du bon sauvage, incarnant le bien, qui vit au rythme de la nature, face aux barbares que nous sommes, vivant dans un rythme effréné et absurde.


Face à cela, une nature impériale, la puissance des éléments, une Nature filmée comme incarnant un souffle divin, et pour finir la piété des hommes, dans des gestes simples. On a le grand, le beau, le vrai, et en face la petitesse de la majorité hommes face à la nature, face à Dieu, face à des forces que l’homme devrait vénérer ou au moins respecter. Je n’adhère pas à cette présentation simpliste.


Baraka se veut profond, on l’entend bien avec le choix des musiques, mais pour moi il n’est que vide, une réflexion pour le moins limitée sur l’état du monde.


Pour moi, Baraka, c’est de très belles images mais surtout un fatras, un sacré bordel, sans réelle unité sauf à dire que les hommes et les « civilisations modernes » sont lamentables, le mal en quelque sorte. Une vision binaire et bien simpliste à mon avis.


Bref, on a là un film très joli visuellement, mais qui n’est pour moi au final qu’une sorte de gloubi-boulga sans saveur. Et pourtant, j’ai aimé Casimir… Pas de chance.


Un film beau mais long, intéressant mais eu final creux. Un film au mieux stérile, au pire malsain pour son côté gratuitement culpabilisateur.

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le 4 mars 2017

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socrate

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