Je n'ai jamais cacher un certain dégout pour l'univers Barbie, non pas en tant qu'univers de poupées, mais bien en tant qu'univers dégoulinant d'un rose de mauvais goût et de clichés sexistes. Par quel miracle aurais-je voulu voir le film donc? Une bonne campagne de promotion je pense, et la promesse d'un film drôle et décomplexé dans l'abordage de cet univers girly. Promesse tenue?
Bah plutôt oui!
Dès l'introduction, le ton est donné par une référence cinématographique bien placée. Certes, la première seconde permettait d'anticiper le tout, mais cela m'a fait décrocher un large sourire.
Globalement d'ailleurs, le film est très drôle et jamais lourd en terme de référence. Grâce à une bonne distribution et une excellente composition de personnages Barbie et Ken, le monde décrit est à la fois réaliste et délirant, cela de manière bien équilibrée. A ce titre, la journée titre de Barbie est une franche réussite en matière d'autodérision.
Dans sa première moitié, le film souffre de quelques ralentissements, mais la deuxième moitié, sans temps mort, agit comme une locomotive et tire le film sur un chemin scénaristique efficace. Les passages entre les mondes (celui des humains, et celui de Barbie) se font à ce titre de manière très naturelle, grâce à certains gimmicks humoristiques. De manière générale, l'humour situationnel apporte beaucoup au rythme du film.
L'aspect méta du film ne peut pas être ignoré. Celui-ci est bien traité, sans réel gros sabot, et réussit quand même à surprendre un peu.
à savoir en établissant un lien avec Barbie et la mère et non pas la fille
Cependant, je pense qu'il ne faut pas réfléchir trop loin sur les conséquences de la cohabitation entre ces deux mondes, au risque de trouver quelques incohérences. Raison de plus pour ne pas envisager une suite.
j'aime beaucoup le fait que la production des jouets Barbie dépende du monde parallèle des Barbies. La scène qui découle de l'egotrip de Ken est très réussie.
La question qui se pose donc est la suivante: quels défauts pour ce film?
A vrai dire, ça rejoint le reproche que je faisais plus tôt, c'est essentiellement une question de rythme. Le film se permet beaucoup de divagations, et peut-être qu'un quart d'heure de moins aurait été pertinent. Et c'est là que le bât blesse: à mon avis, le message féministe du film, légitime, aurait gagné à être mieux diffusé et donc moins étalé en longueur. A ce titre, j'ai préféré le deuxième discours du film, sur la Barbie ordinaire, pertinent, universel et très bien intégré, par rapport au premier un peu trop long et un peu plus téléphoné.
Tant qu'on est dans la question du discours féministe, je dois avouer que globalement, le film réussit quand même à faire passer ses messages sans se mettre les spectateurs à dos. Le personnage de Ken est absolument génial, et son évolution va suffisamment dans le stéréotype pour qu'on comprenne que le film n'entend pas être misandre pour autant. D'ailleurs, les raisons de cette évolution découlent aussi des actes des Barbies (et de Mattel), donc de ce côté-là, rien à reprocher.
Quant à Barbie, son évolution aurait peut-être pu aller encore plus loin, à travers un développement de personnalité encore plus poussé, mais par rapport au matériel de base, le scénario fait un bon boulot.
Parmi les autres bons points à donner, on notera de très bons personnages secondaires, une musique parfois très appropriée (sauf le générique, j'étais légitime à attendre le tube d'Aqua tel quel et pas un immonde remix sans authenticité), et une relation mère-fille plutôt bien foutue.
La meilleure scène reste à mon sens la bataille des Ken ainsi que sa chanson très 80s, mais de nombreuses scènes restent mémorables
Bon point aussi sur la weird barbie, incarnation de pas mal de symboles.
Le cahier des charges est donc très bien rempli, bravo au film. Maintenant, on peut et on doit quand même déplorer le cynisme de Mattel qui fait son autocritique tout du long et qui va encore s'enrichir, à la fois sur les clichés sexistes de l'ancienne âme de Barbie, et sur les clichés féministes un peu bien-pensant qui font tout autant vendre au risque d'affaiblir à terme la pertinence des messages. Va-t-on retenir l'idéal d'égalité prôné à la fin du film? D'autres prises de risque auraient donc pu être bienvenues en terme de réflexion meta: rejet de la couleur rose par une Barbie, utilisation de la poupée par un garçon, diversité et représentativité poussée à l'extrême qui ferait qu'un enfant en situation de minorité regretterait qu'on veuille nécessairement le faire vivre à travers sa position minoritaire, etc. Cependant, le film n'a pas qu'un but politique, aussi faut-il avant tout se concentrer sur l'artistique, et de ce côté, c'est une franche réussite. Je vais être mauvaise langue, mais j'imagine mal comment les 14 films Mattel suivant pourraient s'inscrire dans la même qualité de produit. Je croise les doigts pour Hot wheels, je suis un mec moi, je veux des bagnoles (et un catalogue de camion)