Bon sang, voilà l'une des comédies les plus étranges qu'il m'ait été donné de voir. D'autant plus qu'à titre personnel je ne me suis jamais intéressé à Barbie et je ne supporte pas la couleur rose... Pourtant, j'ai adoré ce film.

Quels sont les ingrédients de ce résultat ? D'abord, le talent de la réalisatrice Greta Gerwig. La première scène montre l'intelligence et l'ironie de la mise en scène : des petites filles sont montrées jouant à la poupée dans un désert, tandis qu'une narratrice raconte qu'à l'origine, toutes les poupées étaient des bébés, et que ce genre de loisir servait à apprendre aux petites filles à élever leurs futurs enfants et à tenir leurs maisons. Un conditionnement sexiste, donc.

C'est alors qu'une poupée adulte géante apparaît, Barbie. Fascinées par cette apparition, les petites filles détruisent alors leurs poupées au ralenti, le tout sur fond de musique épique. Le ton est donné.

Tout le reste du film est du même acabit : intelligence, ironie, féminisme, loufoquerie et dénonciation subtile des travers de la société. Jamais de pathos ni d'humour vulgaire, l'histoire est surprenante et contient de nombreux rebondissements.

Le second ingrédient, c'est les acteurs. L'histoire raconte une société utopique, Barbieland, située dans un monde parallèle au nôtre. Dans ce monde rempli de rose, les Barbie et les Ken vivent en harmonie, bien que les femmes occupent tous les postes importants. Le cauchemar de Donald Trump et de Ron de Santis ^⁠_⁠^.

Les habitants de Barbieland sont persuadés d'avoir fait disparaitre le sexisme et les stéréotypes de notre monde grâce à eux.

Tout le monde semble vivre en paix et en fraternité, mais c'est alors que l'héroïne, une "Barbie stéréotypée" commence à se poser des questions pessimistes, et son corps change étrangement... Le seul moyen pour elle d'échapper à cet effondrement physique et mental est de se rendre dans le vrai monde, pour "retrouver l'harmonie avec sa propriétaire". Le tout dans une civilisation très différente de ce que s'imaginent les habitants de Barbieland.

Dans ce rôle, Margot Robbie est géniale : elle apporte beaucoup de fraîcheur et d'humour à son rôle, son personnage est très attachant.

Mais le meilleur personnage, c'est sans conteste Ken, joué par l'hilarant Ryan Gosling. Un Brice de Nice en bien mieux, qui se croit maître nageur (en restant sur la plage), un poil prétentieux, mais très attaché à ses amis. Et surtout un homme mal dans sa peau, qui se sent rejeté. Son évolution tout au cours du film est riche en surprises et en fun. Et ses répliques sont excellentes et m'ont très souvent fait rire.

Mention spéciale pour la bière binouze et le dojo maison >⁠.⁠<

Tous les seconds rôles sont réussis, les poupées comme les vrais humains, avec en plus un très bel hommage à la créatrice de Barbie.

Dans un film financé par la multinationale Mattel, je ne m'attendais pas à une critique aussi osée du capitalisme, à travers le personnage de l'industriel dirigeant Mattel, hypocrite à souhait tout comme ses adjoints.

Le troisième ingrédient est le message transmis : notre civilisation ne sera jamais totalement égalitaire (hélas) à cause de la bêtise humaine, mais chacune et chacun peut contribuer à l'améliorer à sa petite échelle. Le principal n'étant pas de devenir connu ou de faire des prouesses, mais d'être heureux, de se sentir libre.

En bref, un film engagé, progressiste et féministe mais jamais caricatural, dénonçant les pensées simplistes de gauche comme de droite, le patriarcat comme le matriarcat. Tout en montrant un monde où le bien et le mal sont mélangés, où n'importe quelle invention peut être perçue de façon totalement différente.

Le dernier ingrédient est l'humour. Je ne pensais pas autant rire devant ce film !

En bref, ce film est une réussite totale, d'autant plus prodigieux que le sujet est très difficile à traiter. Surtout dans un pays où l'avortement est en partie interdit, où les inégalités et les fractures sociales progressent. Beaucoup de gens auraient inventé avec ce Barbie un truc médiocre et lucratif, mais Greta Gerwig a mis en scène une comédie intelligemment loufoque, et loufoquement intelligente. Et une histoire mémorable par l'humour...

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le 31 juil. 2023

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Schokolade

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