Barbie est une sorte de leçon inaugurale, disons une introduction ludique, sur le fonctionnement du patriarcat. Barbieland, le pays imaginaire, sorte de paradis perdu, monde où les rôles sociaux masculins féminins sont inversés, où les femmes règnent et brillent et où les hommes n'ont pas de pouvoir, serait l'équivalent d'une terre autochtone. Le vrai monde, celui dans lequel nous vivons, en est donc l'exact opposé, celui où le patriarcat domine. Quand les deux mondes se rencontrent par accident, un système colonial se met en place, le colon était le vrai monde et le colonisé Barbieland, qui devient Kendom, une société patriarcale. Mais on se rend vite compte que cette colonie a été créé par le colon diabolique pour faire bonne figure... D'ailleurs, ce monde réel n'est pas si réel, mais assez factice.
L'inversion des stéréotypes de genre dure sur tout le film : les stéréotypes sur les combats féministes s'incarnent donc dans les luttes masculinistes, avec la chanson "I'm jut Ken" de Ryan Gosling, se plaignant d'être réduit à son corps, un objet, dans la société. Pour les Barbie, le pouvoir est une chose innée, elles ne le remettent donc pas en question, c'est naturel, parodie des hommes qui disent qu'ils ne sont pas misogynes parce qu'ils n'ont rien fait de mal (et ignorent qu'ils reproduisent un système injuste). Quand le patriarcat arrive à Barbieland, on a donc la parodie d'une théorie antiféministe qui réduit le féminisme à la volonté d'instaurer un matriarcat... Et forcément, ça ne marche pas parce que la société n'est pas égalitaire non plus, et que le féminisme ce n'est pas le matriarcat. La guerre des sexes s'achève par un compromis d'égalité très cynique puisque les Barbie reprennent leur pouvoir et ne veulent pas trop le donner aux Ken (comme ces hommes hauts placés qui donnent des rôles un peu mieux pas pas trop puissants aux femmes pour paraître féministe). Le patriarcat est donc moqué de bout en bout, et critiqué comme un système qui rend les hommes bêtes, qui les réifie comme des boules de muscles sans émotions. Les Barbie, réduites à des rôles de femmes du monde réel décrits comme une hypnose, métaphore assez forte pour parler de l'emprise du patriarcat sur la mentalité des femmes, doivent s'en départir. La leçon finale que Barbie donne à Ken est donc que les hommes aussi doivent se libérer du patriarcat pour être plus heureux, comme Allan, le pote de Ken, qui n'est pas pris dans ce système hostile à tous. Voilà le fond de Barbie, si on y balaie les facilités et le manque de subtilité du scénario, qui reste un film d'autrice produit par les studios hollywoodiens, qui ose se moquer un peut de lui même. Dans la forme, l'univers rose bonbon et super artificiel de Barbieland ajoute du cynisme et comique au comique de situation, jusqu'à l'inversion discrète des mondes, critique de notre société de plastique et de lifting où l'on impose aux femmes de ressembler à Barbie et aux hommes de ressembler à Ken (summer body, corps sans cellulite etc). C'est un discours assez basique, léger et familial, qui cherche à être consensuel dans son engagement.
Cependant, on peut se désoler de voir un film aussi peu subtil, qui avance avec ses gros sabots, ce qui est un parti pris, le millième degré de l'humour, mais qui est idéologiquement inscrit dans l'économie des studios hollywoodiens en grève.