30 ans déjà !

Il y a 30 ans sortait "Batman" au cinéma, réalisé par Tim Burton, à une époque où les super-héros se faisaient rares sur le grand écran, la Batmania déferla dans le monde entier. Je me rappelle des T-shirts noirs au célèbre logo jaune, celui qu'arbore le justicier sur son torse tel un blason médiéval, des pin's, des trousses, des cartables et des casquettes à son effigie qui inonda mon champ visuel dans la cour du collège. On entendait la Batdance de Prince tous les jours sur le sixième canal hertzien de la petite chaîne qui monte et dans toutes les radios.

Ce n'est pas le premier "super-héros" au cinéma, "Superman" mobilisa les écrans pendant une décennie et quatre films + un spin-off sur "Supergirl", Batman est bien plus sombre et mystérieux, on le qualifie plutôt de "justicier" puisqu'il n'a aucun super-pouvoir, il a une apparence fantastique, voir monstrueuse tout en ayant une silhouette élégante et gracieuse servant à effrayer ses adversaires. Cette supercherie fonctionne plutôt en pleine nuit sur les toits de la ville ou dans ses ruelles sombres. Superman lui, doit se montrer en plein jour, se battre à la vue de tout le monde tel un dieu mythologique, c'est le héros solaire, Batman serait plutôt son penchant lunaire, discret, il doit plutôt se cacher et ne pas dévoiler sa véritable identité connue de tous, c'est pour ça qu'il porte un masque. Il évolue dans une ville gothique merveilleusement décorée en référence à l'art déco des années 30, également inspirée des films noirs et de l'expressionnisme allemand tel que "Metropolis" de Fritz Lang.
À l'époque, point d'images de synthèse, des maquettes sont fabriquées pouvant s'élever à deux ou trois mètres de haut, des figurines de Batman et de sa Batmobile sont utilisées pour certains plans larges, ainsi que la technique du stop-motion pour installer le camouflage de sécurité de la Batmobile, on distingue même de l'animation (façon Disney) pour un plan en contre-plongée sur un balcon pour visualiser de manière artistique et graphique le mouvement de cape du héros. Les scènes aériennes sont filmées avec les mêmes techniques que celles utilisées pour "Star Wars".
C'est un film culte et générationnel à l'instar d'un "Robocop" sortit deux ans plus tôt. Contrairement aux comics, Batman porte une sorte d'armure rigide lui instaurant une démarche et une imposante carrure ressemblant à celles du policier cyborg. Ce film amorcera la déferlante des super-héros cinématographiques, d'abord des personnages indépendants (les Tortues Ninjas, Rocketter), puis ceux de l'âge d'or des comics (The Shadow, le Fantôme du Bengale) ensuite ceux de la SF underground (Judge Dredd, Tank Girl) et les très sombres (The Crow, Spawn) pour arriver enfin aux héros Marvel à l'aube de l'an 2000.

Ce n'est pas la première fois que Batman est projeté sur grand écran, une première adaptation du personnage est produite en 1943 pour un serial de 15 chapitres diffusé en salle puisque les chaînes de télévision n'existaient pas encore. Dans les années 60 un film est réalisé pour le grand écran, produit par les créateurs de la série télévisée parodique, comme une extension de celle-ci et interprété par les mêmes acteurs.

Suite au succès, Warner décide de produire une série animée fortement influencée par les films de Burton en conservant l'ambiance visuelle de Gotham, le ton un peu sombre (pour un dessin animé destiné aux enfants) et le style intemporel entre les années 30 et 90, ils récupèrent également un score de Danny Elfman pour le thème principal, pour en faire la plus belle série animée basée sur un héros de comics.

Cette année 2019, on peut comptabiliser une dizaine de film super-héroïque et une quinzaine de série en production pour la télé, les Super-héros sont partout pour nous vendre des assurances, des burgers ou des médicaments, cette mythologie moderne remplace les westerns dans le cœur des gamins, les temps changent, les goûts évoluent, et pourtant les gamins lisent de moins en moins de bandes dessinées, ils regardent de plus en plus de série sur leurs téléphones, se branchant sur les plateformes dédiées et qui produisent en masse leur propres franchises de personnages costumés, c'est ce qui semble attirer le consommateur aujourd'hui. Ces productions d'aujourd'hui ne sont plus des œuvres artistiques créant l'événement tant attendu et tant espéré, mais sont uniquement de simples produits de consommation calibrés pour plaire aux plus grands nombres réalisés par des techniciens interchangeables, là où 30 ans avant on laissait libre un réalisateur pour nous proposer sa propre vision artistique, son univers et pour en faire une œuvre filmique non identifiée mais sincère avec des qualités et des défauts complètement assumés.

À une époque où "Avengers Endgame" devient l'un des plus gros succès mondial de tous les temps, je me mets à penser au temps où je lisais mes "Strange" tout seul dans ma chambre pensant être l'un des simples privilégiés à découvrir ces personnages de mythologies modernes, puisque personne n'en parlait à l'école, par peur du ridicule certainement.