Beautiful Crazy par Tripnotic

Portrait de 3 jeunes femmes remarquables par leur force de caractère. Angel, Xiao-Bu et Ah Mi sont trois Taiwanaises dont la vie semble aussi chaotique que leurs sentiments. Amitié, trahison, amour, haine, prostitution, innocence, ... on retrouve là des sujets plutôt habituels de la thématique du passage à la vie adulte. D'ailleurs l'atmosphère du film n'est pas sans rappeler Millenium Mambo (de Hou Hsiao Hsien).
Cependant, loin d'être classique, j'ai trouvé ce film, particulièrement intéressant et admirable car !attention!, le film se classe dans la section Experimental/Performance.

Tout d'abord la narration est complètement destructurée à savoir qu'une scène n'est pas forcement la suite de la précédente. Là encore, à priori du déjà vu mais c'est fait très intelligemment avec un mouvement de doux va et vient pas très net mais on n'est pas complètement perdu non plus. On navigue aux limites de la rêverie

Ensuite, la photo est plus que magnifique. Je n'y connais rien en la matière mais les décors splendides associés aux effets de plongée, contre plongée, flous, ... créent une atmosphère très planante, presque abstraite. J'ai été particulièrement touchée par une scène dans laquelle Xiao-Bu nage (virtuellement) et danse dans une piscine vide accompagnée de feuilles mortes portées par le vent : très arty. Bref, c'est beau.

J'ai aussi beaucoup aimé l'histoire. [je restreint volontairement ce paragraphe pour ne pas spoiler] On a 3 filles d'aujourd'hui dépeint dans un tableau plutôt sombre. Cependant ce tableau est ponctué d'éclaircies sous la forme de petits moments anodins de la vie mais dont le bonheur indéniable transparait à travers l 'écran : danser comme une folle en suivant son ombre sur un mur, un nouveau verni à ongle, une lettre d'amour anonyme, ...
D'une manière générale, j'ai aimé le portrait de ces femmes plutôt banales mais dont on se dit à la fin : « hey ce sont des sacrés nanas tout de même, elles ont un caractère bien trempé ».


Je me suis renseigné sur le film après l'avoir vu et appris que le réalisateur Chi-yuan Lee a dit lors d'un interview que le film a mis 7 jours à écrire, 18 jours à filmer et 1 an à monter. Les actrices ne sont pas des professionnelles et ont été peu dirigées. En gros, il leur explique ce qui se passe dans la scène, ensuite à elles d'improviser la suite, dialogues y compris. Chi-yuan Lee raconte qu'il a été extremement surpris de leurs réactions se demandant parfois si il devait continuer à filmer (scène de la balançoire). Le caméraman Leonard Retel Helmrich, qui a mis au point plusieurs types de steadycam, a filmé de longues scènes en « one shot », c'est à dire d'une traite.


A voir donc, pour les amateurs d'art et essai, pour ceux qui veulent (sortir des clichés et) découvrir la Chine d'aujourd'hui et tout simplement pour ceux qui aiment les belles images.