Black Dog
7.3
Black Dog

Film de Guǎn Hǔ (2024)

Étonnant film crépusculaire de la part d’un réalisateur chinois devenu connu pour un blockbuster patriotique à la gloire de l’armée de son pays, Black dog débute en plein désert de Gobi. Un mini-bus typique de ces régions déraille en croisant sur son chemin une meute de chiens sauvages menés par un loup. Les passagers sont indemnes. Les chiens, apprend-on, sont issus de la ville voisine à l’industrie sinistrée, massivement abandonné par sa population et qui , comme tant d’autres dans les « sociétés qui avancent » de notre monde, a connu elle aussi une sortie de route sur le chemin du progrès. Scène remarquable. Le ton est donné.


Image à gros grain, à laquelle il faut s’habituer, de nombreux plans fixes contemplatifs et un héros mutique, m’ont rendu l’accès difficile. Autour de moi, un couple et deux gars échangèrent des remarques et, passé un quart d’heure, s’interrogeaient sur l’intérêt de ce qu’ils avaient sous les yeux tandis que, coincé entre ces deux binômes, je dormais à moitié, pris par la digestion de tranchettes de jambon espagnol sur baguette tradition _ le meilleur des deux pays. Ma rêverie ne prêtait pas à conséquence, d’autres films dans ces territoires me revenaient en effet, A l’ouest des rails de Wang Bing, Les cendres du temps de Won kar Wai, au cours desquels j’avais excellemment sommeillé, tout en en conservant de bons souvenirs.

Le héros sortait de prison et revenait dans la ville où vivait son père. ¨Pour gagner sa vie, il se met capturer les chiens errants. L’un d’eux, réputé enragé, est mis à prix, et leur route vont se croiser. L’exposition est longue et pas toujours simple, mais se clarifie avec le temps, qui peut paraître long. Puis, tout se délie et devient fluide, les nuances apparaissent plus fines qu’il n’y paraissaient et se révèlent acerbes. Le portrait de la ville et de cette région prend alors tout son sens, proche de celui des œuvres majeures de Jia Zhangke comme Still Life ou A touch of Sin, ou du suscité Wang Bing, les oubliés du progrès chinois, et que faire dans ce pays, quand on n’est pas quelqu’un d’aligné.


Cela devient évident dans la deuxième partie du film, celle avec le chien, qui permet au héros de retrouver du lien _ ainsi qu’au spectateur, si besoin _ et d’affirmer son identité. Le décor prend des allures de purgatoire parcourues de hordes animales sur les bords du Styx, de bout du monde perdu post-apocalyptique, où des personnages de théâtres absurdes s’accrochent à de vieux contrats sociaux perdus quand ce n’est pas à simplement survivre comme ils le peuvent. Heureusement que, ici comme ailleurs, il arrive aux exclus de se reconnaître, comme cette trouve de gens du cirque installées pour une saison, et même chez ces petits malfrats qui se connaissent entre eux, au fond, bien qu’ils se tapent dessus. Car le problème est ailleurs, dans ce mouvement perpétuel, celui vanté par les messages des hauts-parleurs tout au long de la journée, qui va de l’avant, oui, mais vers quoi, quand une partie du pays et de son peuple, agonise.


Il y a cela dans ce film. A mèche longue.

Swindgen
7
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le 12 mars 2025

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