"On côtoie sans cesse les ténèbres. Le risque est qu'elles finissent par nous envahir."
Après les enfants-soldats en Afrique (Johnny Mad Dog) et les prisons thaïlandaises (Une Prière avant l'aube), le réalisateur français Jean-Stéphane Sauvaire nous plonge cette fois-ci dans le quotidien intense d'un duo d'ambulanciers urgentistes dans les quartiers chauds de New-York : Ollie le débutant, et Gene le vieux briscard.
Adaptation du roman «911» de Shannon Burke et présentée en compétition à Cannes l'année dernière, cette œuvre immersive et sans concessions ne nous épargne rien de ce métier éreintant et sous tension constante, où la vie et la mort se côtoient toujours dangereusement.
Au fil du film, chaque intervention (fusillade entre gangs, violence conjugale, accouchement, etc.) nous en dévoile un peu plus sur nos protagonistes et sur la misère humaine qui les entoure et qui hante les rues new-yorkaises depuis bien longtemps, et cela à travers une réalisation alternant réalisme brut, presque documentaire, et stylisation sensorielle.
Interrogeant ce métier pesant et souvent exposé au pire, emmagasinant des images traumatiques, finissant par nous bouffer si nous le laissons faire, et pouvant nous ébranler dans nos dilemmes moraux ("On choisit ce métier pour aider les gens, mais parfois, on finit par faire le contraire."), ces ambulanciers y sont dépeints comme des anges gardiens largués dans les enfers, et qui, pour certains d'entre eux, se persuadent d'être des sortes de dieux pour de fausses bonnes raisons.
Un film qui marche bien dans les thématiques qu'il traite, un peu moins dans la manière qu'il a de les mettre en images, notamment à travers ce dispositif sensoriel dont il abuse un peu par moments, comme pour devoir souligner absolument ce qu'il veut nous dire. Ce qui fait qu'on finit par gagner un peu en lourdeur et perdre un peu en crédibilité au fil du récit.
Un film qui rappelle forcément, de par son sujet et son traitement onirique, un certain «À Tombeau ouvert» de Martin Scorsese, que je trouvais justement un peu plus maîtrisé dans son déséquilibre.
Un drame interprété par Tye Sheridan et Sean Penn, dont le duo se complète plutôt bien, même si je préfère le jeu de Sheridan (tout en tension rentrée) à celui de Penn (qui a la gueule de quelqu'un qui vient d'émerger d'une nuit de beuverie), en tous cas dans un premier temps. Les deux sont notamment entourés de Michael Pitt (dans un rôle d'ambulancier pour le moins irritant) et de Mike Tyson (si si).
Entre espoir et désillusion, une œuvre qui ne fait pas dans la dentelle, mais ne dévie pas de son cap, avec ses qualités comme avec ses défauts. Un film imparfait mais impactant. 6,5/10.