Black Sun
6.4
Black Sun

Film de Koreyoshi Kurahara (1964)

Sous ses airs de simple buddy movie, Black Sun prend place dans un Japon se relevant à peine de ses ruines, meurtri par la WWII et encore marqué par les reliquats de l'occupation militaire américaine. L'indépendance retrouvée n'a pas enrayé la propagation de la culture occidentale et Akira, aficionado du jazz afro-américain, en constitue le parfait exemple. Il ne faut d'ailleurs pas attendre plus de 3 min avant d'entendre les premières notes jazzy qui vont forger toute l'âme du film. Du Toshiro Mayuzumi joué par du Max Roach.


Blessé et poursuivi par l'armée US suite au meurtre accidentel d'un blanc, Gil va se réfugier dans le squat d'Akira, une église. La barrière linguistique empêche toute communication entre les deux hommes et musique va alors prendre naturellement le relais, restituant bien tous les méandres de leur relation chaotique. Tout se joue et se dénoue.


Kurakara semble porté par des élans anthropologiques en explorant le racisme et la xénophobie par un biais indirect. Comme si l'hégémonie culturelle s'accompagnait nécessairement des tares de la société dominante. Une idée intéressante qui traverse tout le film, non sans une certaine maladresse. En un sens ça me rappelle la démarche d'un Dressé pour tuer qui parvenait également à prendre un détour bien senti pour évoquer la gravité du sujet tout en échappant à l'habituelle et inefficace oppression du spectateur.


S'en suivent des scènes d'une extrême tension, mais dont volatilité du ton, prenant même parfois des airs de comédies, alimente une confusion ambiante. Le mutisme du soldat n'est pas que celui de la parole. C'est un symbole qui prend chair. Celui d'un Homme aspirant s'échapper d'un univers qui lui est mi-hostile, mi-indifférent. Celui qui trouve pour seul refuge sa foi. Dommage que le jeu de Chico Roland, son interprète, soit si limité.


Les intentions de Kurukara sont nobles, mais sont vite rattrapées par sa vision presque biaisée. Grand paradoxe du film : chasser des stéréotypes en les remplaçant par d'autres, et ceci avec une lourde insistance. En témoignent les multiples plans sur les symboles religieux, présents uniquement pour souligner l'ambivalence du décorum culturel.


Pour autant, ces fausses notes sont loin de gâcher le tableau d'ensemble. C'est un film dont la qualité se relève progressivement, touche par touche. Jusqu'à parvenir au paroxysme de la traque et nous offrir une scène extraordinaire qui assure à l'oeuvre une empreinte durable.

GigaHeartz
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le 20 juil. 2017

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