Je ne sais pas si c'est le fruit d'une vision purement subjective ou s'il se passe vraiment quelque chose dans le cinéma américain. Mais s'il est sûr que la place qu'y occupe les noirs à fait couler beaucoup d'encre, après avoir vu successivement et dans un laps de temps très court, Get out (Jordan Peele, 2017), Black Panther (Ryan Coogler, 2018), et enfin BlacKkKlansman, je ne peux m'empêcher de me laisser aller à une petite réflexion sur l'évolution de la condition des noirs dans le cinéma. D'ailleurs BlacKkKlansman s'y prête particulièrement puisqu'il est truffé de références au 7ème art. D'abord le cinéma muet du début du XXème avec le très controversé (même à l'époque) The birth of a nation (D.W. Griffith, 1915), et la fameuse blackface, pratique populaire remontant au minstrel show, spectacle comique où les noirs étaient dépeint comme de joyeux ignares. Puis Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939) et le personnage d'Hattie, figure du bon nègre, loyal, dévoué, travailleur, satisfait de sa condition. Rappelons l'influence de ces deux films qui ont été d'immenses succès commerciaux, le premier ne sera détrôné que par le deuxième 25 ans plus tard.
Vient ensuite la période blaxploitation, représentée par la cession de name dropping entre Patrice et Ron. Ce courant réactionnel des années 70 visant à revaloriser l'image des afro-américains trop souvent relégué au second plan, dans le cinéma traditionnel. Ce sont avant tout des projets fait par des noirs et pour les noirs.
Ensuite les années 90, et leurs éternels seconds couteaux, enfin quand ils survivent plus de 10 minutes =)...et la vague New Jack dont Spike Lee avec son Do the right thing (1989) est le chef de file.
Bref un long chemin a été parcouru depuis les minstrels, et même si le propos pourrait être nuancé en citant par exemple, Oscar Micheaux qui réalisait déjà des films afro-américains en 1919, où des acteurs de couleur oscarisés (toute proportion gardé hein 36 contre 2911), Hollywood a encore un long chemin à parcourir.
De là à dire qu'Hollywood est raciste, il y a un pas que je ne franchirai pas. Le cinéma est avant tout une industrie basé sur la rentabilité, dans une logique de marché ce qui motive un changement ce n'est pas la morale ou l'éthique mais le profit. Ainsi le cinéma et la société, s'influence mutuellement dans un élan parfois vicieux, parfois vertueux. Ici même à travers le regard éminemment biaisé de cette rétrospective on ne peut que constater une évolution franchement positive.
Pour conclure sur les trois films cités en début de critique la légèreté avec laquelle BlacKkKlansman traite son sujet, le premier casting de blockbuster majoritairement noir de Black Panther, et l'approche "ciné de genre grand public" de Get Out, me donne vraiment envie de penser qu'une nouvelle étape est franchie. Reste que ces 3 films ont tous un relent de millitantisme qui - bien qu'utile les temps étant ce qu'ils sont - montre que le process est toujours en maturation. L'aboutissement viendra quand les acteurs/ réalisateurs de couleurs ne seront plus enfermé dans des stéréotypes parfois dégradants où contraint de soutenir un discours militant.


Donc le film!
Disons que l'humour y est noir, sans mauvais jeu de mot, c'est un déferlement de racisme qui s'amasse jusqu'à écroulement, de rire. Parfois de rire franc parfois de rire jaune, (un peu comme un deux pièces à Beyrouth). On rit parce que cela nous parait absurde, les coupes afro, la mise en scène seventies paraissent surannées et le racisme encore plus. Puis vient la fin et immanquablement on ne rit plus.
Même si Spike Lee fait la part belle à la négrophobie le propos est nuancé par les personnages de Patrice ou de Kuama Ture qui n'ont rien à envié au KKK, ils sont tout aussi dévorés par la haine. La scène où l'un des groupes scande "white power" et en écho l'autre répond "black power", montre bien que c'est le même mécanisme qui est à l’œuvre, et que l'un et l'autre sont égaux. D'ailleurs il s'élève au dessus de la simple dualité noir/blanc pour véhiculer une image bien plus forte incarné par Heather Heyer, no place for hate.
Au delà de ça le travail fait autour de l'amitié 'interraciale' entre les flics, la volonté de Ron de ne pas tomber dans l’extrémisme, le ton léger du film malgré la gravité invite tout ceux qui ne baigne pas dans l’extrémisme à s'unir contre l'obscurantisme, à l'heure d'une Amérique sous la gouvernance de Trump.
On pourrait tout de même reprocher au film ses personnages assez archétypaux dans leur ensemble, les membres du KKK auraient par exemple gagné à avoir un background qui leur auraient concédé une forme d'humanité, même si leur groupe est pluriel, avec des modérés (Walter), des extrémistes (le couple Kendrickson), et aussi un benêt alcoolique, qui est une sorte de pieds de nez au personnages comiques noirs des films américains jusque dans les années 90. Il montre aussi comme il est facile pour un leader charismatique, de détourner la crédulité des plus faibles pour en faire de dangereux terroristes. (merci à Elgato65 =) pour la nuance)

Calamity_Jess
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le 26 août 2018

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