Blonde
5.8
Blonde

Film de Andrew Dominik (2022)

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L'étrange cas de Norma Jeane Baker et de Marilyn Monroe

Après Elvis, une autre icône de l’Amérique des années 1950/1960 se voit portée sur nos écrans. Blonde est une adaptation du roman éponyme de Joyce Carol Oates. Adaptation libre de la vie de Marilyn Monroe, le long métrage, à l'image du livre, traite de la psyché de l'actrice. Par ce choix, le film est loin de ce que nous pourrions attendre, que ce soit narrativement ou esthétiquement parlant. Ce choix a-t-il été payant ?


Ceci n'est pas un biopic. Il semble évidemment de commencer par là lorsque nous parlons de Blonde. Ce dernier est un essaie intimiste sur la dualité Norma Jeane Baker/Marilyn Monroe, visant à proposer un propos plus large : la place de la femme dans le Hollywood des années 1950. Cette étude de cas n'est absolument pas fidèle à la vie de l'actrice. En effet, elle est romancé au point de confirmer des rumeurs, de modifier la réalité, et d'omettre certains moments de sa vie. Cette prise de position sur une personne ayant réellement existé frôle l'opportunisme car la vie de Marilyn Monroe n'était pas tourné que vers le sexe, les relations amoureuses et la drogue. Pour ne citer que le féminisme, il aurait été judicieux de montrer que de son vivant l'actrice était contre les studios, qu'elle avait un droit de regard sur les films dans lesquels elle tournait, qu'elle avait créée sa propre boite de production, et qu'elle avait gagné des prix pour ses performances. Là, elle est une victime impuissante du système. Elle se fait écraser par tout le monde, particulièrement par les studios qui lui imposent un contrôle asphyxiant dont elle ne peut se défaire, et qui lui coûtera par ailleurs un enfant. Il est cependant à noter que certaines critiques sont injustes envers le métrage, notamment en ce qui concerne son soit disant parti anti-IVG. Il est impossible que le film le soit étant donné que Marilyn voulait véritablement avoir des enfants. Les différents avortements survenant dans le film ne sont que des moyens pour ceux les mettant en place de contrôler l'actrice.

Dans Blonde, nous faisons face à une star constamment tourmentée. Néanmoins, et malgré toute les faussetés du métrage, nous voyions une actrice sous une forme plus humaine que les clichés qui ont longtemps entourés sa personne. En effet, nous la voyions cultivé et bonne comédienne. Cette image positive et humaine que nous avons d'elle revient à Norma Jeane, elle qui combattra ces clichés dont le porte étendard est Marilyn Monroe, personnalité créée par les studios, les journalistes et le public. Pour créer le parallèle entre les deux, le métrage va le mettre à l'image via l'étalonnage. Lorsque c'est en couleur, nous voyions Norma Jeane. Ce n'est que durant ces séquences qu'elle est elle-même, Marilyn ne se laissant apercevoir qu'au travers des écrans de cinéma, des affiches et des journaux. Lorsque c'est en noir et blanc – soit dit en passant la « couleur » du cinéma –, nous voyions Marilyn. Bien que nous pouvons y voir à quelques moments Norma Jeane, ces séquences mettent l'accent sur la vision qu'a le public, les journalistes et les hommes sur elle. Pour eux, elle n'est qu'une star intouchable ou un simple objet sexuel vide de connaissance. Le métrage réussit parfaitement à rendre cette sensation lorsque nous la voyions passer devant une horde de journaliste, lors des raccords regards des hommes sur son postérieur, ou lors de sa première discussion avec Arthur Miller dans laquelle il ne la croit pas cultivée. Norma Jeane apparaîtra de plus en plus souvent vers la fin mais la drogue et le maquillage la ramènera à Marilyn. A vrai dire, c'est Norma Jeane qui souhaite qu'elle revienne comme le souligne génialement la séquence dans sa chambre où elle semble invoquer devant son miroir cette figure qu'elle déteste. A l'image d'un film fantastique, cette figure apparaîtra sur les deux miroirs devant dans un éclat totalement factice. L'arrivée de Marilyn dans les séquences en couleur de Norma Jeane sont tout aussi possible. Dans la chambre de John F. Kennedy, Norma Jeane se demandera ce qu'elle fait là. Elle viendra à la conclusion que c'est Marilyn qui l'a ramené, et donc, elle agira telle la star ferait. Dans ce combat long de presque trois heures, et par tout ce que nous avons pu voir, un vainqueur semble se dessiner. C'est Marilyn Monroe qui gagnera, et pour signer sa victoire, elle tuera Norma Jeane, aussi bien symboliquement que physiquement.

Le mal être de Norma Jeane provient d'un élément dont le film ne cesse de revenir et sur lequel il appuie dés les première minutes : ses parents. Son père est absent et cela lui pèse beaucoup. La première – et seule – fois que nous le voyions, c'est au travers d'une photo de lui. Dans le plan présentant cette photo, celle-ci est exagérément éloigné de Norma Jeane comme pour indiquer qu'elle n'arrivera jamais à le rejoindre, du moins dans le monde des vivants. Habitée d'une sorte de complexe d'Oedipe, elle cherchera dans les deux hommes de sa vie son père, les appelant tout deux « papa ». Concernant Charlie Chaplin Jr et Edward G. Robinson Jr, c'est différent. Cette relation n'existe pas dans la réalité, cependant, elle n'en est pas moins pertinente dans la diégèse du film. Ces deux hommes vivent dans l'ombre de leurs pères. Dans le cas de Norma Jeane, elle vit dans l'ombre de Marilyn et, comme eux, elle a vécu avec un père absent. Les trois combleront le vide qu'ils ont en eux, rendant ainsi Norma Jeane plus heureuse que jamais. Il est dommage que la conclusion de cette relation soit si tirée par les cheveux, et viennent détruire tout ce qui a été crée. En l'absence du père, Norma Jeane se tournera vers la mère. Celle-ci sera tout aussi absente que le géniteur, et sera par ailleurs violente avec sa fille. Malgré tout, cette dernière se verra en elle pendant un temps comme s'accrochant bien gré mal gré à l'unique figure parentale qui lui reste. Cette tentative d'affiliation sera vaine, et Norma Jeane fera tout pour l'éviter. Souhaitant devenir mère, elle voudra en être une meilleure que la sienne. Malheureusement pour elle, ça lui sera interdit.


Se voulant intimiste, le métrage est essentiellement filmé en 4/3. Le format, ajouté à la caméra proche d'elle, souvent caméra épaule, donne la sensation que nous nous infiltrons dans sa vie. Nous sommes comme une personne présente aux moments clés de son existence, une caméra à la main. Cette sensation s'accentue lors de son décès. Dans cette séquence finale, la caméra se voit posé sur le sol comme si nous avions fini de filmer. A quelques occasions, le format 4/3 est abandonner, aussi bien pour desserrer l'étau sur Norma Jeane que le resserrer. Certains plein cadre seront utilisé pour dévoiler le bonheur que vivent Norma Jeane et Arthur Miller, mais aussi pour valoriser les « grands moments » de Marilyn comme l'image mythique de Sept ans de réflexions. De manière générale, nous sommes dans le cerveau de Norma Jeane. Les effets utilisés servent à souligner l'état psychologique dans lequel elle est : l'image autour d'elle est flouté pour montrer ses envies de solitudes ; la bouche des journalistes s'agrandira de façon excessive pour les rendre monstrueux ; pour continuer sur le registre de la peur, la séquence nocturne où les hommes du gouvernement viennent la chercher semble tirer tout droit de Rec. Le cadre spatio-temporel semble lui-même être modifier à l'image de la séquence où Marilyn passe d'un avion à une salle de cinéma, une séquence brillante pour souligner le cercle vicieux dans lequel elle est. Ce n'est pas un métrage spectaculaire. Il ne possède aucune paillette. Cependant, il est généreux en expérimentation visuelle, et même audacieux comme le dialogue entre Norma Jeane et son fœtus. A vrai dire, le film n'aurait jamais eu cette étrangeté visuelle sans David Lynch. Certains effets vus plus haut viennent tout droit de son œuvre. Andrew Dominik a fortement été influencé dans ses choix artistiques, et ce n'est pas plus mal. Sans cette identité visuelle, il ne resterait pas grand chose au métrage.

Norma Jeane fait face à de nombreux problèmes, tout comme le film dans lequel sa vie est raconté. Le principal soucis de Blonde est d'être trop long. Les thèmes abordés sont redondants, surtout après la relation avec Arthur Miller. Tout la partie finale avec le président des États-Unis est de trop car elle vient ajouter des malheurs dont Norma Jeane n'avait besoin. Idem pour le twist finira qui mènera à sa mort. Au-delà d'être prévisible, c'est le coup de poignard de trop. Tout ça n'est que le symptôme d'un métrage extrêmement pessimiste sur la vie de Marilyn Monroe. C'est bien dommage d'avoir accès le scénario sur ses malheurs, quitte à en ajouter de faux alors que son existence ne s'est pas résumé qu'à ça. Il y a eu beaucoup de tristesse, c'est vrai, mais il y a aussi eu beaucoup de joies. Finalement, ce long métrage n'était-il qu'un nouveau moyen de profiter de la vie Norma Jeane Baker au vu de son intrigue ?


Blonde n'est pas un visionnage agréable au vu de tout les éléments scénaristiquement choquant qui y ont été incorporés. Malgré tout, le métrage signé Andrew Dominik n'est pas indigne d’intérêt. C'est un objet filmique étrange qui marque l'esprit. Il sera difficile à revoir, mais tellement facile à s'en souvenir.

Flave
7
Écrit par

Créée

le 4 oct. 2022

Critique lue 5 fois

Flave

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