Bien sûr, on savait tout cela, ce moment unique de l'Histoire du Rock (l'électrification de Dylan), ce tournant de la société US (le mouvement des droits sociaux, les révoltes des noirs, la montée de la conscience politique alors que la Guerre du Vietnam se durcit, Kennedy et Martin Luther King...). Ici, on le voit, on le vit, au fil d'un récit dont la tension s'exacerbe lentement, jusqu'à une dernière heure tétanisante : Dylan "trahit" sa propre mythologie, et devient ce rocker camé et famélique dont l'image (tout de noir vêtu), les déclarations provocatrices et le passage au Rock, provoquent la rage de milliers de fans. Scorsese retrouve des documents inédits et nous montre ce qui n'est sans doute plus imaginable aujourd'hui : la crucifixion d'une star, d'un prophète qui rejette un rôle qu'il ne veut plus assumer. Oui, la musique est magique, exceptionnelle, mais on retiendra finalement de "No Direction Home" ces impressionnants moments d'égarement de Dylan, face à une haine générale quasi tangible, et qui finit par le consumer. [Critique écrite en 2006]