Lorsque l'on me parle de films d'horreur, je distingue vaguement trois catégories :
1. Les films torchés à la vinasse et à l'envie de flouz qui sont objectivement pas terribles et qui se basent uniquement sur des jump scares, bref les teen movies à la con qui pleuvent dans nos salles comme le crachin sur la bruyère irlandaise,
2. les torture porn à la Saw 7, qui ne présentent, en tout cas à mon sens, qu'un très maigre intérêt,
3. les films bien fignolés avec une esthétique, une tension, et un univers ultra fournis et travaillés dont la simple idée du visionnage me prive de toute envie d'aller dormir pendant les prochaines 72h (L'Echelle de Jacob, le Projet Blair Witch...)


Bref, vous l'aurez compris, les films d'horreur, c'est pas ma came de prédilection, et bien qu'ayant vu Frontière(s) qui ne m'avez laissé qu'un souvenir comparable à dix minutes de lucidité entre deux black out, je dois dire que la filmo de Xavier Gens, je ne m'en réveillais pas la nuit.


Aussi... Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis qu'il était à la réalisation d'une comédie, avec en prime Monsieur Poulpe dans le second rôle masculin. Monsieur Poulpe en slibard, précisons-le.


Budapest raconte l'histoire de Vincent et Arnaud, deux amis de longue date qui décident du jour au lendemain de plaquer leurs boulots ennuyeux de bureaux pour fonder une société qui organise des enterrements de vie de garçon à la sauce hongroise, avec ce que ça implique de prostituées, de chars et de torchages à la pomme de terre fermentée.


Et oui, oui ! Oui ça fait du bien, une comédie française comme ça, parce que si on fait le bilan sur ces cinq dernières années, c'est globalement pas jojo, pardon. L'une des deux soeurs Lamy prépare sa sixième comédie romantique de l'année, Christian Clavier est sûrement en train de répéter son prochain rôle de bobo parisien devant se faire passer pour un gay type grande folle attiré par les petits enfants (après les asiatiques, les arabes, les noirs, les juifs et les roms, il ne reste plus beaucoup de minorités à tacler) et Kev Adams s'est déjà mêlé de l'écriture d'Alad'douze.


Donc Budapest fait un bien fou au paysage cinématographique français. Car il est drôle, un poil subversif, jusqu’au-boutiste et déjanté. Il bouscule les codes, il est original, et il se rapproche bien plus d'un 99F que d'un Very Bad Trip.


Loin d'être la version hongroise de Projet X comme l'ont vendu les producteurs (sérieux les gars ?), Budapest est au final plus fouillé qu'il n'y parait, Payet à l'écriture ayant insufflé au bouzin de vrais questionnements sur la place des hommes dans le couple (sujet qui semble lui tenir à cœur, après Situation Amoureuse : C'est Compliqué), la nécessité de réaliser ce que l'on veut réaliser, et le fait de s'assumer.
Et on peut dire que l'écriture fait bien son taff, l'histoire étayant un vrai propos de fond et n'étant pas qu'une succession de scène de défonce à la figue. Les dialogues réservent de sérieux moments d'absurdes et de francs rires, le rythme est bien géré, et l'humour aussi. Il faudra néanmoins reconnaître que certains échanges entre Payet et Cohen sont un peu longs (oui, on a vu que vous avez une belle complicité, on peut enchainer ?) et que l'espèce de happy ending à la fin sent le forcé, mais personne n'est parfait. En fait, le fond du scénario est un mix entre deux lignes narratives ultra répandues et usitées :
1. L'histoire d'un ou plusieurs personnages qui ont un plan trop cool, à un moment ça foire, mais finalement après ça va.
2. L'histoire d'un ou plusieurs personnages qui sont en couple, ils font une connerie, mais finissent par se faire pardonner.
Donc ouais, niveau synopsis, ça n'a pas la complexité d'un vieux Nolan, mais y'a pas de quoi rougir non plus.


L'autre point d'écriture appréciable est la justesse des personnages. Le film propose certes trois personnages masculins intéressants, mais surtout deux personnages féminins forts (pourquoi ne sont-ils d'ailleurs pas visibles sur l'affiche ?!), dont surtout le personnage de Cécile qui est un des meilleurs personnages féminins que j'ai vus depuis longtemps.


De plus, Cécile est jouée par une Alice Belaïdi qui est, disons-le, parfaite. Pas un seul moment elle ne sonne faux ou en demi-ton, elle est toujours d'une justesse incroyable.
Tout le reste du casting s'en sort bien, mais j'ai également un gros coup de cœur pour Monsieur Poulpe. Parce que, bah, c'est du Monsieur Poulpe. Il joue un personnage qu'il maitrise parfaitement, à savoir le gentil gars un peu débile et défoncé au crack. Il a clairement pour lui une partie des moments comiques les plus convaincants du film, et il est super bon, super drôle et absurde et le rôle lui va comme un gant.


Passons maintenant de l'autre côté de la caméra et intéressons-nous à Gens. Et bien Xavier a fait du bon boulot. On voit qu'il y a une réelle maitrise des plans, certains séquences, et bien qu'il pioche des gimmicks à droite ou à gauche (des split screens à la Soderberg, des inser très cuts à la Edgar Wright), on sent clairement qu'il sait ce qu'il fait.
Par un travail sur les lumières et les textures, Gens parvient à rendre à l'écran le côté poisseux de ce genre de soirées où la partouze côtoie la défonce à la gnôle, ces moments où ta chemise est collante de vodka sans que tu saches ni depuis quand, ni comment, ni si elle vient de ton verre ou de celui de quelqu'un d'autre.


J'ai passé un très bon moment devant Budapest, et je le recommande chaudement. Maitrisé, très bien joué, bien écrit malgré quelques dialogues un peu longs et un happy ending prévisible, il a aussi et surtout un énorme avantage par rapport à la plupart des comédies françaises actuelles : il ose. Il ose frôler le subversif, parler de drogue, de baise, d'alcool et de tromper sa femme avec une prostituée hongroise obèse. Il ose s'affranchir d'un marasme qui perdure depuis trop longtemps.
Alors je ne peux que supporter ce genre de film, qui sort des sentiers battus, qui est original, qui tente des choses, qui n'est pas là que pour faire un film moyen sur un acteur bankable et engranger du blé sans prendre trop de risque.
J'aime le cinéma qui prend des risques, qui tente le coup, qui ose.
Et c'est ce que Budapest fait.

QuentinYuanMalt
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le 30 juin 2018

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Yuan Cloudheart

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