On m'a longtemps loué les qualités de ce métrage ci. "C'est arrivé près de chez vous", ou le film culte de la Belgique, diront certains. Certes, c'est balaise, plutôt original et franchement bien foutu. Mais il est quelque chose qui me gêne profondément avec ce film. Oui, je vais vous expliquer, ne vous inquiétez pas. Rien de bien grave, non, c'est juste l'essence même de l'oeuvre qui m'a dérangé; pas dans le bon sens, je précise.
En fait, c'est plastiquement très solide et réussi. Faut le dire, ça en jette clairement, le noir et blanc favorisant l'aspect anormal et atypique de l'oeuvre, qui se plaît dans un réalisme allié à un terrible cynisme. C'est assez glaçant que de se rendre compte qu'au final, l'on ne connaît pas notre prochain, et qu'un type sympathique en apparence, facteur à ses heures perdues, pourrait, en fait, être un psychopathe pas même facteur, puisqu'ayant abattu le vrai postier.
Il n'est à mon sens pas de doute sur le fait que Poelvoorde tient le film sur ses épaules, offrant un charisme unique à son personnage, ainsi qu'une complexité dans l'interprétation toute particulière. Le type est un fou, un vrai taré assoiffé de sang, et tellement engagé dans ce qu'il fait qu'il en devient facilement fascinant; Benoit amène une sorte de folie joyeuse à son personnage, le rend attachant aux yeux du spectateur, alors qu'il n'est rien d'autre qu'un sacré sérial killer. Enfin, rien d'autre, vraiment? Ce serait minimiser le travail concernant sa psychologie.
Poussée au maximum, elle va à fond dans l'idée selon laquelle les criminels les plus dangereux sont, en fait, les personnes les plus agréables au quotidien. Père, mère, fils ou mari, neveu comme veuve esseulée, n'importe qui, du voisin le plus sympathique au flic le plus renfermé, pourrait être ce qu'incarne ici un Poelvoorde au sommet de ses capacités, prouvant avec une virtuosité non feinte qu'il reste assurément de grands noms dans cette nouvelle génération d'acteurs.
Monstrueux dans son jeu comme dans sa personnalité, l'acteur campe son personnage comme si sa vie en dépendait, nous livrant d'intenses passages de folie furieuse, couplée à un voyeurisme de tous les instants, dénonçant avant même l'existence de BFMTV les abus en toute conscience de journalistes rapaces en constante recherche de scoops toujours plus fous, toujours moins moraux. Ces charognards vont jusqu'à filmer des gosses au crâne explosé, à risquer leur propre vie pour livrer au spectateur hagard des images de massacres tout frais.
Cela, les trois réalisateurs du métrage en question ( dont un Poelvoorde multi-tâche ) l'ont compris, et le mettent en image de manière très réussie, avec ce voyeurisme qui va constant, non sans un humour noir flagrant. C'est assez génial, en somme; le propos, très bien foutu, se révèle étoffé par des thèmes intéressants et aboutis dans leur manière d'être abordés. SAUF qu'il est quelque chose qui ne m'a pas plu, ici.
Oui, je n'ai guère apprécié l'aspect volontairement gratuit des images proposées; ça manque parfois, à mon sens, de finesse, d'un poil d'habileté supplémentaire. C'est sale, oui, mais ça l'est sans explication supplémentaires; au bout d'un moment, l'oeuvre devient répétitive. Sûrement est-ce dû au fait que c'est parfois mal amené, mal construit; seulement, le scénario est répétitif est assez linéaire, quand on y réfléchit plus en avant.
Après, ce n'est pas forcément un réel défaut; c'est juste que ça m'a gêné, mais cela servant une idée plutôt convaincante, celle d'un éternel recommencement, l'on pourra passer l'éponge sur ce détail insignifiant. "C'est arrivé près de chez vous" fut donc très convaincant, plutôt original ( avec un vrai found-footage, favorisant l'immersion immense que le métrage transmet au spectateur ) et terriblement marquant. Décidément, c'est qu'il ne l'a pas volée, sa réputation internationale.