C'était un rendez-vous
7.2
C'était un rendez-vous

Court-métrage de Claude Lelouch (1976)

Claude Lelouch a expliqué que derrière son film, il y avait son angoisse de ne pas être à l'heure, que la ponctualité était pour lui une obsession. Dont acte. Je passe sur les risques encourus pour le tournage. Je passe sur le fait que ce fut une Mercedes 450 SL 6.9 l automatique qui fut utilisée (parce que la calandre permettait de fixer une caméra) et que ce fut ensuite le bruit d'une Ferrari 275 GTB à boîte manuelle qui fut plaqué sur l'image. Je passe sur toutes les légendes qui ont entouré le tournage, à commencer par celle que c'était Jacques Lafitte ou Jacky Ickx qui était au volant. La seule question qui m'importe est le sens à donner à cette performance, au sens artistique du terme.

Je repense au court-métrage "Ils attrapèrent le bac", de Cari Theodor Dreyer et le gouffre qui sépare les deux films me saute à la figure.

Dans le film de Lelouch, le but est d'arriver à l'heure à un rendez-vous pris avec une fille fraîche et pimpante (Gunilla Friden, sa compagne à l'époque) à cinq heures du matin au Sacré-Cœur au mois d'août. Et le maximum de sérieux et de moyens est mis dans la concrétisation de ce projet. Par ailleurs, la durée du film était conditionnée par les 300 m de pellicule se trouvant dans le magasin de la caméra, solde non utilisé du tournage de "Et si c'était à refaire"..

Dans celui de Dreyer, l'objectif d'un couple de motocyclistes est d'attraper un bac situé à l'autre bout d'une île. Progressivement, le film se transforme en métaphore de la vie, en trip existentiel.

Faire un film pour le seul plaisir de prendre son pied un moment n'est ni une tare, ni une erreur, encore moins une faute. Cela peut même être amusant. D'ailleurs, "C'était un rendez-vous" a quelque chose d'assez fascinant. Mais, comme dans toute la production de Lelouch, on n'y trouvera pas une once de réflexion, pas un poil de dimension. Juste de la vanité, de l'éphémère. Quelque part, il suffit d'avoir vu ce court-métrage pour avoir vu tous les autres films de ce réalisateur. En dix minutes, Lelouch a donné le meilleur de lui-même: faire du rien avec un rien et le ficeler dans un emballage excitant mais trop grand, avec beaucoup de vide à l'intérieur,
StanLefort
6
Écrit par

Créée

le 10 août 2011

Critique lue 1.2K fois

16 j'aime

3 commentaires

StanLefort

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

16
3

D'autres avis sur C'était un rendez-vous

C'était un rendez-vous
Zolo31
2

L'itinéraire d'un enfant gâté

Un matin d'août 1976, Claude Lelouch a l'idée folle de se filmer en plein centre de la capitale, au volant d'une Mercedes 450 SL dotée d'un moteur V8 lancée à fond la caisse. Il est 5H30, le jour se...

le 1 juin 2023

5 j'aime

3

Du même critique

Chambre 666
StanLefort
7

La chambre des tortures

Avec Chambre 666, Wim Wenders fait un non-film dont les acteurs sont les réalisateurs eux-mêmes. Après avoir loué à l'hôtel Martinez la dernière chambre disponible pendant le Festival de Cannes 1982,...

le 11 janv. 2011

23 j'aime

Fin d'automne
StanLefort
10

Mondrian et la comédie

Comment trouver un époux pour la fille et pour la veuve d'un ami cher quand on est soi-même émoustillé par la première ou amoureux de la seconde ? Sur ce sujet de comédie, Ozu construit une œuvre...

le 19 juin 2011

21 j'aime

3

L'Ascension
StanLefort
9

L'immensité de l'hiver russe en plan rapproché

L'Ascension raconte l'errance de deux soldats russes en territoire occupé par les Allemands. Larissa Shepitko n'a pas réalisé un film de guerre à proprement parler, mais a capté la personnalité et le...

le 30 août 2011

19 j'aime

2