Dumont se concentre sur 3 jours de la vie de Camille Claudel, en 1915, alors qu'elle est enfermé dans un asile (le second) près d'Avignon. Celui où elle passera près de 40 ans et finira sa vie.
D'emblée dire Binoche réussit son coup. Elle habite le personnage, très vite on ne pense plus à la star. Dumont réussit son coup aussi puisque c'est la première fois qu'il filme une star. C'est aussi la première fois qu'il fait un film d'époque, la première fois qu'il fait un biopic et la première fois qu'il fait un film aussi simple. Ce film est si simple que c'en est étonnant, et qu'il est obligé de se concentrer sur des questions essentielles. Ici, plus de provocation, de sentence, de plans chocs qui tombent comme des couperets, de poses définitives. Dumont semble avoir changé son fusil d'épaule et, en se faisant plus discret en tant que metteur en scène, gagne étrangement en force pure. Il n'a plus besoin de nous épater puisque nous croyons en lui.
Mais, du coup, le film perd un peu, un temps du moins, de l'originalité des précédents de l'auteur. La première partie du film fait très 60's (je ne veux pas dire vieillote) et rappelle certains grands maitres (de Dumont sans doute). J'ai beaucoup pensé à Buñuel (celui de Viridiana ou de Tristana), à Rivette, à Bresson bien sûr, voire à Cayatte. Mais le film n'est pas que ça. Dumont conserve son goût des "trognes" et confronte Binoche à une bande d'acteurs qui sont de vrais malades mentaux. Et ça marche. Ces personnes sont tous attachantes et, plutôt que de mettre la star en avant par effet contraire, lui permettent de se mêler au milieu d'une masse compacte et cohérente.
Donc, jusque là, le film est beau, mais un peu sage.
Et tout se transforme au 3ème jour, lorsqu'arrive Paul, le frère. Tout ce passage est extraordinaire, le film semble changer de cap, regarder du côté d'Eugène Green et atteindre une spiritualité aussi dense que celle à l'oeuvre chez l'écrivain. Le confrontation des deux, lors d'une scène unique créant un climax, certes désamorcé d'avance, mais intense dans sa mise en relation de la matière avec l'esprit.
Au final, Dumont réussit vraiment son coup et change de division. Il a compris enfin que le cinéma de provocation n'avait qu'un temps, que le meilleur moyen de faire passer ses idées ne se faisait pas avec un marteau. Du coup, c'est une nouvelle carrière qui commence.
FrankyFockers
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le 18 mars 2013

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