Quand Woody nous fait part de son vécu
Dans "Celebrity", il y a deux mondes. Celui des humains, et celui des Dieux. Le film raconte l’histoire d’un humain, lassé de sa vie lisse et monotone, désireux d’intégrer le monde des Dieux, et de se faire accepter par eux. Cet humain, c’est Lee, joué par Kenneth Branagh. Lee est un double de Woody. Et Branagh l’interprète ainsi : même voix suraiguë, mêmes bégaiements, même rythme scandé de l’élocution. Il est devenu un avatar de Woody. Sa marionnette. Son ventriloque. Et il deviendra notre guide au court de son voyage au pays des Dieux.
"Celebrity" est le seul film en noir et blanc de Woody depuis au moins une vingtaine d’année, et il n’a pas fait les choses à moitié. Le grain de l’image et les éclairages sont uniques, et varient d’un monde à l’autre. On passe d’une obscurité morose dans le monde des humains, à une surexposition presque aveuglante dans le monde des Dieux, comme si ces derniers étaient sans arrêt sous la lumière des projecteurs. Cette constante clarté suggère leur état d’esprit : ne surtout pas se dévoiler, ne jamais laisser paraître une once de vérité. Prétendre, encore et toujours. Woody/Lee/Branagh, dans son voyage au long court dans le monde du show business (car c'est bien de cela qu'il s'agit), rencontrera une Melanie Griffith terriblement sexy, dans le rôle d’une actrice hypocrite dont le corps, à l’exception de sa bouche, n'appartient qu'à son mari, un Leonardo DiCaprio à peine décongelé, qui s’auto-parodie (déjà) dans le rôle d’un jeune premier, et laisse (déjà) entrevoir l’étendue de son talent, et une figurante (Winona Ryder), personnage féminin typique de l’univers de Woody : tabagique, névrosée, new-yorkaise, égoïste, insupportable.
"Celebrity" est un des films des plus noirs que Woody ait tournés. Ce monde des gens célèbres (et celui, plus étendu, de ceux qui voudraient l’être) qu'il décrit, et dont il n'épargne aucun sous-ensemble (le cinéma, la littérature, la télévision, le journalisme), fait froid dans le dos. Woody, à la fin comme au début du film, nous envoye un message simple et des plus éloquents : sous les yeux des passants éberlués, un avion trace "HELP" dans le ciel de sa ville préférée.