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Ciao Ciao
6.6
Ciao Ciao

Film de Chuan Song (2017)

Ciao Ciao (Liang Xuequin) est une jeune chinoise qui revient de Canton voir ses parents qui habitent un village niché dans un creux d’une vaste vallée où circule un train passant sur un immense viaduc.


Au village, Ciao Ciao attire les regards et les convoitises avec ses airs boudeurs sur un visage agréable, des longues jambes et son look mode. Pourtant, elle reste assez mutique et distante. On comprend rapidement que sa tête est ailleurs, vers sa copine Li Li toujours à Canton avec qui elle a un projet. En fille moderne, Ciao Ciao est donc rivée à son téléphone portable. On observe quand même une pratique étonnante, avec Li Li elles communiquent par messages vocaux.


Dans une des rares discussions familiales, son père dit à Ciao Ciao qu’avec la mère, ils comptent sur elle pour assurer leurs vieux jours, discrète référence ou conséquence de la politique chinoise de l’enfant unique pratiquée pendant des décennies. Autres constats alarmants, le dépeuplement des campagnes et une mentalité qui se traduit par une sorte de slogan « La seule chose qui compte, c’est de gagner de l’argent ». C’est ce qui est proclamé par un groupe d’hommes qui partent officiellement tenter leur chance à la ville. A cette occasion, une petite fanfare de jeunes les accompagne. On remarque à leur tête une jeune fille, peut-être un peu crispée par l’événement, qui dirige ses camarades d’une façon très mécanique. Une façon peut-être pour le réalisateur de dire que tout cela dépasse les uns et les autres.


Autre remarque dès les premiers plans : des couleurs très vives avec surtout la verdure qui ressort tellement qu’on sent que les teintes ne sont pas naturelles (l’affiche exagère l’effet). Interprétation personnelle : la nature est belle, mais à force de surenchère de tous côtés, la montrer telle quelle ne suffit plus à produire de l’effet. Pour sortir du lot, il faut un plus… quitte à choquer. Donc ici, c’est peut-être juste une envie du réalisateur cadrant avec ses goûts musicaux (BO très moderne, du type électro) ou bien encore une petite provocation (puisque tout est frelaté, autant montrer ce que cela donne sur la nature), qui souligne l’opposition entre modernisme et tradition. Toujours est-il que cela met mal à l’aise.


Ce qui met également mal à l’aise, c’est le comportement général de Ciao Ciao. A force de mutisme, on la sent froide et distante. Étrangère à tout sentimentalisme (façade en forme d’armure, tout juste un peu lézardée quand une larme coule), avant tout pragmatique, jusque dans un conseil de vie adressé à sa mère. On la voit marcher souvent sur les chemins entre des champs, ou bien réfléchissant en longeant les routes (repartir ou non ? Choisir de rester, mais pour faire quoi ?) Avec son physique, il se trouve toujours quelqu’un pour la ramener au village, comme Li Wei (Zhang Yu) qui s’intéresse à elle et la trimballe quand elle le veut bien sur sa moto. Li Wei, c’est le fils du marchand local d’alcool de riz. Un jeune homme qui se cherche et qui fait quelques bêtises, au point d’être bien connu de la police locale. Au grand dam du père qui préférerait faire ami-ami avec les autorités pour continuer de mener ses petites affaires en toute tranquillité. Et puisque son fils travaille avec lui, il verrait d’un bon œil que Li Wei épouse Ciao Ciao, cela le calmerait.


Quant à l’argent, Xiao Xiao en a suffisamment pour quelques achats qui suscitent un questionnement. D’où vient cet argent ? Si elle affiche un détachement total pour ce qui est du sentimentalisme, il n’en va pas de même du plaisir qu’elle peut partager avec un homme. Mais si elle n’a rien contre le sexe, les manifestations de tendresse lui répugnent visiblement. On peut donc se demander si ce qu’elle a appris à Canton n’est pas la façon de gagner de l’argent avec son corps.


Outre ses choix de couleurs et des dialogues assez minimalistes, ce premier long métrage de Song Chuan se distingue donc par la volonté de laisser deviner pas mal de choses par le spectateur. A ce titre, la fin est une réussite.


Ciao Ciao a accepté d’épouser Li Wei (pour des raisons financières, semble-t-il), mais la vie conjugale n’est pas une réussite. Li Wei décide d’emmener son épouse vivre ailleurs et, un beau matin, il l’emmène sur sa moto. On les voit entrer dans un tunnel. La caméra fixe un long moment la sortie. Quand la moto émerge et se rapproche, on constate que Li Wei est seul. Au plan suivant, il observe la vallée où au tout début on avait vu un train passer sur un viaduc. Cette fois-ci, on observe avec Li Wei un train allant dans l’autre sens, laissant supposer que Ciao Ciao a finalement choisi de retourner à Canton.


Maintenant, si après avoir vu ce film chinois qui a bénéficié de financements français (concrétisation d’un projet qui date du festival de Cannes 2013), vous pensez que « Ce qui compte, c’est de gagner de l’argent » c’est un échec cuisant. Inutile de se voiler la face, l’argent aide à bien des choses. Mais au soir d’une vie, que vaut l’argent qu’on a gagné ? A mon avis, ce qui compte c’est plutôt comment et pourquoi on en est arrivés à cette mentalité. Avec la personnalité de son réalisateur, ce film concis (1h23), fait un constat (pas spécialement nouveau), en montrant une région et des personnages qui y vivent. Ce n’est déjà pas si mal.

Electron
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le 5 mai 2018

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