Les inspecteurs Leroux et Pélissier enquêtent chez la propriétaire d'une galerie d'art contemporain, Hélène Duvernet, soupçonnée d'être mêlée à un trafic de tableaux volés. Pélissier ne la croit pas impliquée tandis que Leroux à la fois intrigué et attiré par la jeune femme, la suit partout et en tombe dangereusement amoureux.

De Patrice Leconte, on connaissait alors les imparables comédies bronzées avec l’équipe de Splendid. Dans la lancée, il se souvient du cinéma hollywoodien des grandes années et de ses couples aujourd’hui mythiques comme Cary Grant ou Spencer Tracy et Katherine Hepburn ou Jean Harlow pour en tirer une caricature moderne assez audacieuse. Il en garde le rythme et accentue le contraste du couple en opposant deux protagonistes aux physiques considérés comme improbables. Pour cela, il crée un sentiment de hargne amoureuse pour l’homme et de méfiance amusée pour la femme. Je ne me souviens pas avoir vu cette construction dans un autre film (mais ma culture est modeste).
Le titre n’est pas terrible et c’est le seul point vraiment négatif avec, peut-être, le rôle de Villeret, un peu léger et répétitif.
Pour le reste, le dialogue écrit par Michel Blanc est ciselé en orfèvre ; chaque mot syllabé avec conviction fait mouche dans la tradition de Janson et d’Audiard. Le sens et le ton s’accordent parfaitement avec l’enjeu du film, jeu de masques et d’escroquerie où il s’agit entre autres pour l’inspecteur Leroux de découvrir petit à petit qui est vraiment cette irrésistible Hélène Duvernet qu’il soupçonne par ailleurs de lui mentir et même de trafiquer.
De découverte en découverte, de chausse-trappes en poupées russes, son attirance soupçonneuse le conduit dans un jeu dangereusement vertigineux. Il se joue peut-être, dans cette réflexion sur le mensonge, les évitements, les identités, quelque chose de la guerre des sexes quand l’obsession occulte toute lucidité (par ailleurs fragile –pour le moins- dans toute histoire d’amour), qu’il serait trop simple de réduire au simple axiome : femmes fourbes et dissimulatrices contre hommes francs, honnêtes et courageux. Car ce qui guide chacun des deux personnages est bien l’intérêt ou plutôt les intérêts quelquefois contradictoires. Des forces qu’ils ne maîtrisent pas les attirent et les repoussent.
Dans les deux personnages principaux, il y a, comme dans les grandes comédies américaines, un peu de ses personnages antérieurs des deux vedettes. Jane Birkin incarne, avec la fausse ingénuité élégante qu’on lui connaît, non la femme, mais un personnage singulier saisi à un moment particulier de sa vie. Michel Blanc ne craint pas de lutter sur tous les plans avec un beau, riche et athlétique époux qui ne s’en remettra pas : « Vous croyez qu’il est mort ? – Ah ça, il est complètement décédé ». Mais Hélène est peu remuée par la mort de son beau mari et ça lui donne un caractère plus inquiétant encore, pour nous comme pour l’inspecteur Leroux.
Voir Leroux, angoissé, parfois désemparé, dans le grand appartement luxueux, tenace à l’extrême sur l’autoroute vers la Suisse, épuisé dans le palace de destination a quelque chose d’assez poignant. La scène violente et désarticulée qu’il fait à Hélène dans la chambre est irrésistible et aurait dû devenir culte.
Michel Blanc égal à lui-même et même supérieur. Toujours le mot décalé (la mention sur le livre d’or de la galerie d’art), arme de toute circonstance – même la pire... Toujours ce jeu avec sa propre personne et son personnage public.
La passion qu’il exprime me contamine comme elle contamine le film lui-même. Et je jubile.
Et le film, vif et toujours étonnant, enchaîne les petites curiosités de forme, de ton, et surtout les réparties « régalantes ». En cherchant, on pourrait trouver de très légères petites baisses de régime, mais pourquoi aller chercher alors tout passe si vite.
Leconte et Blanc ont voulu créer une comédie américaine à la Hawks ou à la Donen ; pour moi, c'est une pleine réussite. Encore un mot : Bravo.
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le 14 mars 2015

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