Jeûne et folie

Même s’il n’y a pas de frites à la cantine, ce n’est pas une raison pour ne rien manger. Nutritionniste fraîchement arrivée dans un étrange pensionnat de luxe, Miss Novak apporte avec elle une méthode nouvelle de consommation dite d’alimentation consciente. Avançant des bienfaits tant pour le corps, l’esprit, l’environnement que le bulletin de notes, l’insolite cours de nutrition prônant une réduction drastique des quantités de nourriture attire rapidement un petit groupe d’élèves désireux de saisir à pleines mains leur avenir et leur radicalité. Dans l’indifférence et l’incompréhension de l’établissement scolaire et des parents, la professeure marginale devient rapidement maîtresse à penser de ces adolescents en quête de sens, prêts à tout remettre en question pour suivre ses consignes subversives. Dans un décor aseptisé et robotique, perdu dans l’espace et le temps, Jessica Hausner construit une puissante étude de cas de l’endoctrinement et des emprises sectaires, capables d’émerger au vu et au su de tous. À la fois glaçant et caustique, le film dévoile avec précision les rouages pernicieux qui font la force irrésistible des mouvements politiques ou religieux, leur capacité à tordre les meilleures intentions pour en extraire les pires dévoiements. Parfois limité par sa rigidité plastique et son insistance théorique, celui-ci parvient malgré tout à imposer son rythme et son discours, soulignant de plus l’importance des garde-fous institutionnels et des méthodes scientifiques pour éviter le naufrage. Rassurez-vous, il n’est pas question de vivre sans fromage.