Alors que David W. Griffith nage en plein succès à Hollywood, il se voit appelé à participer à l'effort de Guerre, et inciter le peuple américain à prendre partie dans ce conflit, nous emmenant ainsi dans un village français où il va mêler son sens du romantisme à la cruauté vécue par des milliers d'hommes.


Coeurs du monde demeure une oeuvre assez étrange, loin d'être la meilleure de Griffith mais tout de même intéressante à plus d'un titre, oscillant entre la réussite et l'un peu moins bon. La réussite, c'est évidemment l'aspect romanesque, romantique et la façon dont l'auteur américain parvient à faire ressentir tous les sentiments possibles par le simple biais d'un regard, et pour cela, Lillian Gish est parfaite. Il porte un regard sensible sur ce récit, y ajoutant aussi une touche plus légère, via notamment Dorothy Gish, il parvient à créer un contraste saisissant entre la joie et l'horreur des événements contés.


En revanche, là où Griffith se montre moins à son aise, c'est pour mettre en scène la Guerre et les combats, il y en a d'ailleurs peu, c'est un peu consensuel, voire même documentaire, et il ne parvient pas à tirer l'essence de ce contexte historique fort, et Cœurs du monde perd un peu en authenticité. La pierre n'est pas forcément à jeter sur Griffith, son premier montage était bien plus fort par rapport à la Guerre, et cruel surtout, ce qui ne collait par forcément à l'idée de la propagande selon Hollywood. De ce fait, le montage fut adouci, et l'oeuvre fut montée à nouveau, ce qui n'empêcha pas l'immense succès du film.


Pourtant, il serait dommage de résumer l'oeuvre à de la simple propagande, et Griffith parvient à créer une atmosphère forte et prenante, sa mise en scène est dynamique et quelques séquences sont mémorables, à l'image de toute la dernière partie ou la femme s'endormant près du soldat. Il fait un peu oublier quelques approximations derrière la caméra au niveau des zooms, ainsi que les incrustations guère pertinentes de séquences relevant du documentaire.


Comme Frank Borzage avec Janet Gaynor, le cinéaste parvient à sublimer son actrice principale, qui le lui rend bien, ainsi qu'à créer une ambiance fascinante autour d'elle, une certaine douceur dans un univers violent et sanglant. Tout est parfait chez Lillian Gish, de son regard à son allure en passant par son jeu ou sa gestuelle, et elle est ici bien entourée, notamment par sa sœur qui tient là un rôle intrigant, plus haut en couleur ou bien Robert Harron voire Erich von Stroheim qui cumule ici plusieurs rôles, comédien, assistant et conseiller.


Si on peut regretter un certain manque de cohésion et une partie Guerre qui n'est pas à la hauteur, Cœurs du monde n'en demeure pas moins une oeuvre remarquable, bénéficiant de toute la maestria d'un Griffith sachant créer une ambiance forte tout en sublimant les sœurs Lillian et Dorothy Gish.

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le 20 juil. 2018

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Docteur_Jivago

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