Pour faire perdurer sa prétendue stabilité, Aglaé va vivre son contraire

14.08.2017. Tico amène Mémé Tico au ciné. [Il y a beaucoup de spoilers dans cette critique].


L’usine d’Aglaé (l’actrice c’est India Hair , je me demande si c’est son vrai nom), qui fait des crashs tests sur des voitures, se délocalise en Inde. Sauf que pour Aglaé, son boulot c’est sa vie. Il lui a permis de trouver une stabilité face à l’instable mère qu’elle a eue. Son enfance l’ayant sérieusement marquée, Aglaé doit tout contrôler une bonne centaine de fois –allez je rigole: une bonne dizaine de fois-, elle vérifie une dizaine de fois donc que les étiquettes sont bien collées, que les mannequins tests ont bien la tête sur les épaules. Alors quand les patrons bouffeurs de cacahuètes lui disent que l’entreprise ferme et que si elle veut elle peut aller travailler dans l’entreprise en Inde – ce qui est seulement une stratégie de la part des patrons pour que les employés signent leur genre de contrat de démission-, ils ne s’attendent pas à ce qu’elle accepte. Son travail est pour Aglaé un tel facteur de stabilité, de bien-être (au début), qu’elle est prête à vivre dans un pays inconnu.


Deux de ses collègues décident de partir avec elle, une parce qu’elle aime les voyages de groupes, à deux c’est déjà un groupe, et l’autre parce qu’elle veut faire souffrir son mari qui l’a trompé et qui ne veut pas faire de gosses. La première est interprétée par l’actrice Yolande Moreau et la deuxième par Julie Depardieu. Toutes les trois se lancent dans un road trip en voiture miteuse dont l’essuie-glace est en marche perpétuelle, plus que quelques milliers de km et elles sont arrivées, c’est pas trop grave vous me direz.


Après quelques détours, Aglaé perd la compagnie de Moreau (je me rappelle plus le nom du personnage), qui décide de rester chez la belle-mère d’Aglaé en Allemagne. Moreau interprète une femme assez discrète mais qui cache une forte personnalité. Elle est tout de suite partante pour faire le détour pour exiger du dirlo qui leur paie leur billet d’avion. Et quand elle rencontre la belle-mère d’Aglaé, elle s’exprime dans un très bon allemand et est très cash. Elle la veut. Ou alors elle est tellement impressionnée par le bordel de cette maison qu’elle se doit d’y rester pour mettre de l’ordre. Ça fait du bien de sortir de l’hétéronormativité aussi, sans qu’il y est de drame ou surexposition de la relation naissante entre les deux femmes.


Collègue Julie Depardieu et Collègue Aglaé continuent la route et Aglaé se retrouve bientôt seule car collègue Julie Depardieu pardonne à son mari quand, contre son gré, Aglaé l’embarque à un rdv avec celui-ci dans une entreprise super classe et super équipée à l’opposé de sa filiale française.


La voiture d’Aglaé en a marre aussi et imite Collègue Julie et collègue Moreau : elle ne veut pas continuer la route. Aglaé se retrouve toute seule. Elle vit moult péripéties et même quand elle meurt de faim, elle continue car elle est têtue, non pas une fois mais dix fois. La dernière partie du film où Aglaé se retrouve seule pourrait être considérée comme moins intéressante que quand il y a les deux collègues. Car qui est seule parle moins et car Julie Depardieu et Moreau en moins, ça pourrait être un peu comme La Joconde sans De Vinci. Mais je ne partage pas ce point de vue parce que India Hair, elle est talentueuse quand même. Et puis parce qu’il est tout à fait logique pour l’histoire que Aglaé continue, car elle serait partie sans ses collègues de toute façon. Alors oui, logique mais pas tout le temps très réaliste ce périple.


Moi ce que j’ai bien aimé, c’est qu’on s’ennuie pas, les actions réalistes, surréalistes, loufoques, improbables s’enchaînent. On se demande: qui, sans sous et sans connaissance du monde, prendrait sa voiture pour se rendre à son autre bout sans perspective de revenir à la case départ ? Mais en même temps, c’est plus l’esprit qui nous retient que le corps ou le matériel, car ce film nous montre à quel point il peut être facile de partir (sous certaines conditions quand même). Il faut juste prendre son courage à deux mains. J’aime bien que ces employées aient un projet fou. Car j’ai trop l’impression que le voyage long ou l’aventure sont réservées à des élites actuellement. Ou à des hommes. J’aime les paysages, les gens rencontrés qui sont tous aussi magnifiques d’humanité. La famille de l’est de l’Europe, le militaire, l’Indien.


En arrière-plan, il y a aussi l’histoire de la lutte des employés pour empêcher la fermeture de l’usine, ce qui se concrétise quand Aglaé disparait.


Contre son gré, elle devient l’icône de la lutte des employés et leur permet de gagner leur bataille. Je ne sais pas si c’est la meilleure stratégie dans la vraie vie mais ça a le mérite de marcher dans le film.


Ce côté de l’histoire n’est pas le plus important. Je crois que c’est surtout l’histoire d’Aglaé qui, au cour de son voyage qui doit la mener à son boulot si tranquillisant, elle se découvre, découvre le monde. C’est un voyage à la recherche d’elle-même, contre son gré encore, car elle voulait seulement faire perdurer sa prétendue stabilité, alors qu'elle va vivre son contraire.


Je vous le conseille parce que ce film pète (dans le sens feu d'artifice) d'inattendus, de personnages aussi authentiques qu'extraordinaires, et qu'on peut philosopher aussi, car comme le dit Aglaé, la vraie mondialisation, c’est peut-être de se rendre compte qu’on a plus de points communs avec un transgenre indien qu'avec son voisin de palier.

Tico
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le 15 août 2017

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